[Abracadabra in jazz] To Do Our Music, Yes Or Not!

Musique comment te concilier avec l’hier et l’aujourd’hui pour faire le nécessaire et substantiel demain ? Il n’est pas ici question de dresser une politique de la musique mais de décliner une musique même si sans politique de la musique il n’y a pas de bonne et grande musique.

La musique ce n’est surtout pas, comme cela est fréquent, des notes enfilées comme des perles les unes derrière les autres sans signification, non, c’est beaucoup mieux : du son, un son, le son quoi, selon Miles, sans lequel autrement c’est du bruit.

Alors quel serait notre son ? Il est né ici en Amérique de la rencontre de cultures différentes. Il s’est étendu à l’infini sur le continent américain et au monde depuis au moins trois siècles, ceci pour le temps et dans un espace bien défini qui transgresse les limites géographiques dictées par les conquérants avides de pouvoir, de territoires et de richesses matérielles. Non c’est d’un tout autre espace dont il est question pour lequel suffit un passeport sonore, le tambour, le piano, la guitare, la flûte, la calebasse, le pan, la corde, le bandonéon, la clave, le berimbau, et tous les instruments variés créés sur place, ont été les vecteurs du rêve réalisé d’une expression originale que l’on peut désigner sous le vocable d’américaine. Pas un pays de ce continent indien tout d’abord puis européen et africain par la suite qui ne se soit fabriqué sa musique, la sienne propre et souvent en défi à d’autres venues d’ailleurs ayant une forte connotation dominante.

lecuonaIl serait ici trop fastidieux, vu la richesse, de citer tous les auteurs de cette musique américaine (consulter à ce sujet le guide des musiques d’Amérique et l’encyclopédie Garland sur ce sujet à la LAMECA pour découvrir un univers) et nous nous contenterons ici pour rendre crédible notre sujet, d’un seul lieu, dans un seul moment et dans une seule action, pour saluer la règle d’or des trois unités, fondement classique s’il en fut. Il s’agit d’un jeune pianiste ayant étudié avec Ravel, cubain du nom de Ernesto Lecuona né à Guanabacoa, Cuba, en 1895 et mort à Tenerife en 1963.

Pas trop vieux ni trop éloigné de nous mais dont toute la musique dit Cuba à l’emporte mesure et à l’emporte pièce.
Compositeur audacieux préférant l’exercice public à la solitude au piano, même s’il était un virtuose très attentif à la socio-culture musicale cubaine qu’elle soit espagnole, havanaise et afro-cubaine dont il tirait son inspiration. De cantates à pièces pour piano l’univers musical de Lecuona à l’égal de celui yankee de Gershwin pour les Etats-Unis, se veut espagnol cubain, latin comme on dit improprement et ce voyage constant de la mère première à la fille caraïbe le distinguera comme représentant hispanique sud-américain : une formule bâtarde qui conjugue la sud-américaine Cuba au monde ibérique.

Plus de 500 compositions, des pièces subtiles de sensualité et de jouissance vitale qui donneront aux cubains un répertoire musical original à interpréter et à jouer au monde, et des mélodies qui combleront sa soif de l’exotisme. Citons Malaguena, Siboney, Marialao, Tabou la habanera, la comparsa noche azul danza negra, danza lucumi canto del guajiro, la conga de medianoche danza, hindu, la rumbita, cubanakan canto indio, Amapola danza de los nanigos et autres sans oublier Andalucia pour clore. Tout un répertoire où peuvent sans compter puiser et s’exprimer les interprètes cubains ou autres, tant la part créatrice s’offre clairement par le mélodique et l’harmonique.

Quand on dit que là, Cuba est riche car ayant cet héritage on pourrait aussi le dire pour toutes les autres entités humaines du continent américain. Il suffit de voir comment ces temps-ci la musique dite tango d’Argentine vit un renouveau rajeunissant dans une marmite géante tout son espace musical d’hier et d’aujourd’hui grâce à la créativité de musiciens qui font fi des scléroses du passé, inventent aujourd’hui et sont déjà dans demain et tout cela le plus argentin possible, où la milonga, le candombe, grâce au bandonéon et au violon se mélangent en toute liberté de forme et d’expression.

Si on veut revenir à nous, car c’est là l’idée, il suffit de faire un inventaire semblable et jouer sur tout cet héritage divers et multiple qui a été écrit par nos aïeux. Il est là nous tendant les bras et ne demandant qu’à être tremplin. Il suffit de l’utiliser. Que ce soit des biguines, des mazurkas, des valses, des quadrilles, elles sont toutes prêtes à être conquises et aimées par les musiciens qui voudraient sur leurs trames apporter leurs dessins musicaux.

Nombreuses et souvent dans le domaine du droit commun, on peut les arranger à sa guise car leurs lignes mélodiques et harmoniques se prêtent à tous les canons.

Notre imagination peut réveiller tous ces airs qui n’en peuvent plus d’être à ce point oubliés. Un patrimoine dont on peut être fier car il est de qualité et qu’il est né de deux concepts forts, la poésie et la passion musicale, conjuguant la forme et le fond dans un discours jamais gratuit, où il est question de l’homme avec humour et amour en situation.
On peut certes jazzer sur ces compositions c’est fort bien, à l’égal des cubains et des argentins tout en reconnaissant la formidable méthode du jazz pour discourir et improviser ; il est souhaitable que sa formule soit utilisée comme un condiment ou un ingrédient de qualité mais pas absolument car à l’intérieur de ces musiques américaines il y a déjà la trame et la matière pour une improvisation aussi créatrice que celle du jazz.

Et on comprendra alors que toutes ces musiques américaines du centre du nord et du sud sont des musiques du discours qui expriment le vécu humain avec ses peines et ses joies. Dès lors que nous avons les nôtres il n’est plus de mise par carence mémorielle d’aller chercher celles des autres mêmes si elles sont voisines. Après tout est libre et convivial pour ne pas dire musical.

Taw cé taw fé épi ça ki taw et alos ou ké pé fè cà ki ta lé zot. CQFD.


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