[Abracadabra in jazz] Abracadabrantesque du Jazz en Gwada

Ceci est un simple et innocent regard sur la situation de Madame Zajj – sémantique selon la comédie historico-musicale de Duke – en pays Guadeloupe ces jours-ci.

Beaucoup de musiciens presque tous habiles et capables de mettre une note derrière l’autre et de façon plaisante ; ceci serait satisfaisant si le terrain labouré était sans anicroches ni croches, mais il est à l’égal du pays, plein de mines anti-personnelles prêtes à péter au nez de tout un chacun.

Un état des lieux musical des plus simples fait apparaître un présent tout à fait particulier et peu exhaustif.

Il faut reconnaître que sans structures professionnelles de formation on ne peut que se contenter du talent naturel et alors on est là dans un domaine où l’objectivité et l’évaluation ne répondent qu’aux goûts de l’auditoire. “J’aime” ou “j’aime pas”, d’accord, mais d’après quels critères ? Et pourtant que de musiciens très doués !

Les structures commerciales ne sont que cela car leurs droits et devoirs se confrontent dans l’ombre avec leurs profits et le plus souvent sont au détriment du respect requis par le musicien. Rien de nouveau sous le soleil et ailleurs il en fut ainsi et il en sera encore toujours ainsi.

Par contre si l’équilibre entre ces deux lacunes peut se révéler non productrices de style musical en soi il faut maintenant regarder ce que le milieu musical en tant qu’entité se veut être. Un reflet du pays ou une image venue d’ailleurs même si c’est une image honorable en tant qu’élément culturel afro-américain. A voir plus loin et hors folklore, il n’est pas encore né ici ces récentes années un style qui traduise le pays vécu de façon positive. Certes on peut évoquer le zouk et ses succédanées et on peut beaucoup regretter qu’il ne se soit pas forgé plus de vocabulaire afin d’aborder un discours culturel représentatif des situations vécues. Il est démonstratif à ce propos de parcourir le livre de la musicologue canadienne Jocelyne Guilbault qui met en évidence que la plus grande partie des textes traitent de l’amour et des sentiments mais très peu des situations sociales ou politiques. Significatif !

Pour l’instant la musique dite jazz ici, se veut jazz de l’autre frère afro-américain, mais ne se dit pas elle, et les broderies jazzistiques sur notre meilleur folklore ou terroir musical sont très honorables mais ne sont que cela. Jeu d’élégance et de virtuosité hors sujet.

Pour indiquer une voie originale et authentique, il faut aller voir du côté de Gérard Lockel, mais ici en Gwada il effraie et est victime de l’ostracisme jamais avoué des musiciens. Combien d’entre eux font le pèlerinage chaque fin de mois quand Gérard joue pour une vingtaine de fidèles venus recueillir la substantifique mœlle.

C’est vrai que pour beaucoup de nos jazzmen on pratique l’autre, et on peut en vivre et même plus recevoir un certain hommage de ceux pour qui de la musique seules comptent les notes, mais qui ignorent qu’elle doit être communication et discours sur le vécu.

Tout le monde est satisfait et dans tel discours pianistique on peut avec plaisir entendre Keith, Bill, Chick ou Herbie, ceux qui sont imitables mais curieusement on n’entend pas Thelonious ni Cecil et encore moins Art Tatum. Il en est de même pour les autres instruments à quelques nuances près.

Pourquoi cette impossibilité d’un discours de forme et de fond inspiré du jazz ou autre musique afro-américaine qui partirait des ressources rythmiques et mélodiques locales ? Pourquoi ce désert de concept personnel original ? A la limite une note perpétuelle joué au piano et s’enroulant sur un jeu de triangle libre serait à considérer, comme une expression que pourrait nous envier les musiciens du courant minimaliste.

La musique est sans limite de forme et ensuite on branche le fond.

Les inventeurs de percussion comme batrika ou autre formule sur le ka en sont restés à les rendre serviteurs du style ka. A part gwadlouka de Lockel où une rythmique jumelle et qui se veut du danseur, s’exprime en tant que telle, l’imagination est restée au galetas.

Il faut que les musiciens sortent des pratiques alimentaires où ils perdent leur âme et ne font que se livrer aux délices de la répétition et de l’imitation. Avec talent certes, mais quelle histoire racontent t-ils ? Comme leur dirait Lester Young. Rien !

Une prise de conscience s’impose et ce ne sont pas les dernières moutures d’une alliance gwoka et jazz très à la mode ces jours-ci qui répondront à la problématique de l’originalité d’une musique .Le grand frère est sympa et ce qu’il fait est généreux mais musicalement il se sert d’abord et ce n’est pas son habileté technique ou de musicien qui apportera des réponses à cette question essentielle et incontournable pour les musiciens d’ici.

Quelle musique pour la Guadeloupe d’aujourd’hui et qui traduise son identité à la fois moderne et folklorique ?

Car comme leur disait Gérard à ceux qui voulaient tout de suite cuire un plat gwoka à la sauce du jour, il faudrait pour arriver à une idée du gwoka et de son transfert en d’autres structures vivre ici six mois au moins et s’enfouir dans la culture guadeloupéenne.

Si la musique afro-cubaine s’est réalisée en 1940 à New York c’est qu’il y avait Spanish Harlem plus d’un million de latinos avec une culture latine ultradominante mélodiquement et rythmiquement. Le jazz c’était le voisin immédiat à Harlem. Alors la fusion était humaine. Pour le mélange cité plus haut on voit bien qu’il manque le vécu humain. C’est là le hic.

Ce qui conviendrait serait une musique libre qui dise les situations et toute notre complexité culturelle et dans un vécu partagé par beaucoup.

Alors, chers musiciens, quelle musique nous définit le mieux en 2004 et laquelle traduit le mieux notre identité plurielle !

Nous vous attendons avec anxiété et réalisons que votre tâche est immense mais si vous vous sentez musicien c’est-à-dire griot il faut alors que vous l’accomplissiez.

Donc, messieurs les musiciens à vos méninges car c’est de là que viendra l’éclair primordial. Fiat Lux !

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