[Abracadabra in jazz] Ceux qui dérogent aux règles du marché

Notre estime et par la même notre écoute vont aux musiciens qui sortent des sentiers battus et qui explorent constamment l’univers de la musique et des sons.

Hors des sentiers battus, s’aventurant sans peur et avec audace, voila quelques noms de musiciens-auteurs pour qui la créativité et la composition sont l’âme de l’activité musicale.

Disons que cette vertu est au cœur du jazz et de toutes les bonnes musiques et que la musique récréative ou répétitive n’est pas de ce monde-là.

Le mode est toujours la composition soit une œuvre qui peut allier en elle différents canons à part les notes musicales.

Les textes ou paroles souvent poétiques participent du discours car nécessaires à l’expression de la totalité des situations vécues et des conditions existantes.

new-york-russell1- “New York” de George Russell, récitant Jon Hendricks, avec John Coltrane, Bill Evans et autres pointures. Poème sur New York “the big apple” du jazz (Manhattan, Big City Blues, Manhattan-Rico, East Side Medley, A Helluva Town en sont les compositions) qui dit “l’incontournabilité” de cette ville pour tout musicien. Et il est dit “Man if you can’t make it in New York city, you can’t make it nowhere !”.Credo qui est critère encore de nos jours.

Chaque note et chaque mot du récit relèvent du jazz.

Une œuvre réussie et qui parle à notre cœur, notre âme et notre intelligence..

2- “Drum is a woman” de Duke Ellington : toute l’histoire schizophrénique du jazz à travers un argument poétique sur les aventures de Madame Zajj curieuse du monde et de Caribbee Joe vivant dans sa jungle.

Textes et musique de Duke sur une idée d’Orson Welles pour une comédie musicale sous forme de conte qui n’a jamais pu être jouée à Broadway en 46 mais par contre à Chaillot en 96.

Musique brillante qui présente tous les styles jazzistiques : New Orléans, swing et be-bop en passant de la Louisiane à New york. Un régal musical et une allégorie pas du tout innocente sous son jour naïf.

Du Duke pur orgeat. Lovely.

mingus-padovani3- “Mingus” de Jean-Marc Padovani et de Enzo Cormann.

Composition musicale de l’un et l’autre pour le texte et comme récitant disant la dernière période de Mingus au Mexique, à Cuernavaca, dans la « casa verde » juste avant sa mort. Evocation théâtrale du personnage haut en couleur qu’était Charlie le bassiste intransigeant sur la justesse des notes, au point de frapper ses musiciens.

Œuvre modèle qui devrait donner des idées à nos musiciens élogieux sur Vélo ou Robert Mavounzy.

Quand la musique s’allie au texte de cette manière, c’est sublime.

lovers4- “A lover’s question” sur des poèmes de James Baldwin où il est récitant sur une musique de qualité composée par des artistes aussi divers que Chris Joris, Byard Lancaster, David Linx, Pierre Van Dormael et Thomas Dorsey .

Les textes très généreux de Mr Baldwin sont musicalement valorisés par Slide Hampton ou Steve Coleman, entre autres.

Essai musical sur la relation d’amour entre les hommes, la foi, le spirituel et la conscience existentielle. »Love the healing force of the universe ».La rencontre du jazz et de la poésie .

turn-pain5. “Turn pain into Power” de Fred Ho and his Afro Asian ensemble. Chants poétiques sur les problèmes d’existence aux USA des sino-américains, des afro-américains et des portoricains victimes du système oppressif en place. La musique dit Ellington et Coltrane dans un mode free.

Force et puissance du cri en axe avec les conditions qui prévalent et qui sont défavorables aux gens de couleur.

Une œuvre en forme de suite à la Duke. Ce qui est ici nouveau c’est que l’homme est un sino-américain, qu’il utilise sa culture chinoise traditionnelle et le jazz qu’il pratique comme musicien américain avec un regard lucide sur son pays.

inwhatlanguage6. “In what language?” de Vijay Lyer et Mike Ladd.

Vijay pianiste indien et Mike Ladd parolier ont composé une oeuvre qui aborde les problèmes d’immigration qui se posent à ceux qui arrivent aux USA en avion et qui sont traités comme des indésirables et en toute injustice. Fait divers vécu par le cinéaste iranien Jafar Panahi à JFK en 2001.Il fut refoulé à Hong Kong après plusieurs heures de garde à vue dans des conditions humiliantes uniquement du fait d’être du tiers-monde.

Cette œuvre est un témoignage sur cette zone de non-neutralité qu’est l’aéroport où un pouvoir des puissants s’exerce sur ceux qui sont d’un monde différent.

Chants, hip-hop, récitations et musique se mélangent pour dire un lieu nouveau de migration et symbole de la globalisation.

Histoire millénaire de l’homme en mouvement qui tragiquement de nos jours ne sait pas comment dire son innocence car il est vu coupable du fait d’être étranger.

Voila à quoi s’intéressent les nouveaux musiciens du tiers-monde : à ce qu’ils vivent. Le jazz y retrouve sa verdeur car il n’a jamais dit autre chose.

Ces six références – et il y en a beaucoup d’autres – nous mènent dans une dimension culturelle où la musique et la parole se retrouvent comme autrefois où l’homme était total.

Voila l’avenir de la musique de jazz, un retour à ses sources.

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