Captain Mercier à LaKasa

Cela faisait huit ans que Captain Mercier n’avait pas posé ses valises en Guadeloupe. Ils ont débarqué cette semaine pour un concert à LaKasa Music, tous derrière l’emblématique Jacques Mercier. Ce dernier, derrière son regard bleu clair, accumule quarante ans d’agitation musicale. « Pour garder cette énergie, il n’y a pas de secret, l’important, c’est de chanter, et surtout de ne jamais s’arrêter » rappelle Jacques. On peut résumer sa carrière musicale à trois idées : énergie, bonne humeur et bonne musique.
Avec Captain Mercier, Jacques constitue pour la première fois un véritable all-stars du jazz-funk à la française, ou plutôt du rhythm’n’funk comme il le définit lui-même. Au départ, le groupe est né de la collaboration avec Gilles Douieb, bassiste et ami de longue date. Ce dernier tournait alors avec les frères Cinelu au sein de la formation de jazz-rock Chute Libre, puis dans un groupe de salsa delirium. Un premier essai non transformé de collaboration avec Jacques Mercier au chant – l’enregistrement n’a jamais atteint les bacs des disquaires – et puis à partir de 1989, la formule Captain Mercier a commencé à se mettre en place. « Deux idées originales sont à la base du groupe, se démarquer du son à l’américaine, et ajouter du chant alors que la majorité des formations de ce style sont instrumentales » explique Jacques. Et ça marche puisque aujourd’hui « des gens viennent nous voir et nous disent – tiens j’ai écrit un morceau dans le genre Captain Mercier » rapporte Gilles Douieb. Au départ le groupe est parti de standards francisés pour l’occasion, mais désormais le répertoire est presque exclusivement constitué de compositions originales. On est peu à peu passé de l’anglais au français. Qui plus est, la formule du groupe s’étant stabilisée, les morceaux sont véritablement écrits pour le groupe, en fonction de la personnalité et du style de chacun – du véritable sur mesure ! Et cela se voit sur scène. Chacun y va de son petit numéro, et tous les autres poussent à la roue, tout est possible sur scène – et Benoît Sourisse, par ailleurs époustouflant, a bien failli se faire voler son clavier en plein chorus ! Si un chorus part bien, on le laisse continuer jusqu’à plus soif. D’ailleurs le Live leur va comme un gant, et si tout se passe bien, le prochain album sera enregistré en public. Ce sera un couplé CD-DVD qui promet de ne pas être ennuyeux.C’est d’ailleurs parce qu’ils sont toujours en concert partout en France que la consécration est arrivée aux Victoires du Jazz 2003. « Déjà, être nominés a été une surprise » dit Gilles. Ensuite, « le vote du public s’est fait par Internet sur le site Jazz Valley, il y avait donc une vraie démarche volontaire à avoir pour voter, et le fait d’avoir tourné dans toute la France depuis plusieurs années nous a valu cette belle récompense, le Prix du Public» s’exclament quasiment en chœur Jacques et Richard Arame. Alors, même si aujourd’hui Captain Mercier ne fait pas vivre ses membres à cent pour cent – tous tournent par ailleurs avec les plus grands du jazz et de la pop en France, des portes s’ouvrent tout à coup. Et le Captain tente de surfer sur la vague. Les portes des Festivals s’ouvrent. A suivre cet Eté !En attendant, le groupe est donc de retour aux Antilles. Parce qu’en vérité, ils connaissent bien le coin. « De 89 à 96, on venait deux fois par an. On s’installait à Gosier, et ensuite on écumait tous les bars et les hôtels de la Grande Terre, de Saint-François jusqu’à Gosier. On a joué à l’Endroit, au Méridien… » se souvient Gilles. Alors revenir aujourd’hui est apprécié de tout le monde. « En plus les tournées un peu longues sont des tests importants pour le groupe. On vit ensemble toute la journée, ça permet de souder l’ensemble. C’est aussi un excellent test pour notre musique. On apprend à jouer plus librement, beaucoup de morceaux se rodent au fur et à mesure. Au bout du compte, on peut dire que l’on forme un véritable groupe. Ceux qui ne voulaient pas rester – ce qui n’est pas un jugement, c’est normal quand on est dix – sont partis et les autres forment une vraie unité » insiste Jacques. « Et puis, moi, ça me fait particulièrement plaisir de venir jouer chez moi » rappelle le régional de l’étape (comme l’appelle Jacques), Richard Arame, guitariste émérite originaire du Moule. « En plus c’est important de venir jouer ici une musique comme celle-ci. Ca change les gens de la musique locale, mais souvent ça prend bien, et ça peut vite devenir très chaud » dit Richard. En plus on fait souvent des rencontres. « Une fois, dans le hall de l’hôtel, on est tombé sur Mario Canonge et toute la bande, on se serait crû rue des Lombards !» s’exclame Claude Egéa.Et l’Internet dans tout ça ? Tous réagissent immédiatement. « De toutes façons, on est tous connectés, aujourd’hui c’est indispensable. Déjà pour gérer un groupe comme le nôtre, c’est le moyen idéal de communication. » dit Jacques. « En plus, c’est le moyen par excellence pour communiquer avec le public. Tu fais ton site, et c’est immédiat, pas d’intermédiaire, et tu es visible dans le monde entier. Par exemple, j’ai fait ce site sur Vince Taylor parce que rien n’existait sur lui. Ca correspond pour moi à une période de ma vie, à des rencontres importantes. Je voulais combler une lacune et faire partager aux autres mes souvenirs et mes émotions ». Gilles est un peu plus mesuré : « J’ai toujours un peu peur de blesser les gens en donnant un point de vue personnel qui n’est peut-être pas partagé par tout le monde, c’est le risque de l’absence de modération, même si finalement, personne n’est obligé de lire ce qui ne lui convient pas. » Et la musique sur Internet ? « C’est vrai qu’au départ on est flattés d’être piratés ! Pour La Vie en Funk, c’est incroyable, les morceaux étaient sur le net avant la sortie de l’album ! » dit Gilles. Ceci dit, le piratage est un véritable problème. Richard explique « Aujourd’hui, il n’y a rien de défini, ce qui permet ce grand flou autour du téléchargement. Il faudrait que les maisons de productions arrivent à définir une vraie politique autour de ce phénomène. Le piratage d’un artiste peut dans certains cas le faire couler complètement ! ». « Le téléchargement doit pouvoir être rendu possible à condition qu’il y ait des règles derrière, limitation du nombre de copies par exemple. La distribution de la musique via Internet est certainement un moyen qui a de l’avenir mais qui doit d’abord être repensé » ajoute Jacques.

Dans ces albums, Captain Mercier essaie d’intégrer au fur et à mesure des influences nouvelles, mais rien n’est prémédité. Chacun apporte ses références et elles sont multiples. Petite illustration avec quelques exemples des derniers coups de cœur musicaux. Pour Richard Arame, la période est propice à un retour sur les Bob Marley de la belle époque – ça rappelle les Antilles en plus – mais parfois se fait sentir le besoin impérieux d’écouter de la musique sans batterie. Ces temps-ci, c’est Le Mandarin Merveilleux de Béla Bartok qui est à l’honneur. Gilles se laisse guider par ses amis qui lui font découvrir des choses étonnantes, le dernier en date, une fusion pop rock reggae africaine complètement délirante dont il n’a malheureusement pas retenu le nom. Si quelqu’un a une idée, faites-nous signe, on transmettra. Quant à Jacques, il ré-écoute souvent ce qu’il appelle affectueusement des vieilleries, mais finalement les fondements du Captain : Deodato, Ray Charles, Otis Redding… Tout cela explique bien des choses !


Entretien réalisé le 21 février 2003
Christophe Jenny


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