Jean-Pascal Ndoumbé Djengué faisait partie de cette grande école de bassistes camerounais qui illumine aujourd’hui la planète groove. C’était probablement également l’un des plus discrets et des plus talentueux d’entre eux. Il nous a quitté trop tôt Dimanche dernier. Le Bananier Bleu a demandé à Léo Nséké, qui l’a bien connu, de nous parler de lui. Nous le remercions grandement d’avoir écrit ces lignes en cette période bien triste.
Le bassiste camerounais Jean Pascal Ndoumbe Djengué est mort dimanche à Villejuif. Il était de cette race de musiciens discrets attachés à l’essence de leur art.
Né au Cameroun le 15 septembre 1961, Ndoumbe Djengué débarque en France à l’âge de 8 ans avec sa famille. Au menu de ce déménagement, intégration, école et musique. Dans cette dernière aventure, il découvre alors les joies de la guitare, surtout basse, au contact de compatriotes plus avancés. Ce sera Etienne Mbappé qui lui servira d’initiateur et pour lequel il gardera une admiration jamais feinte.
Doué et studieux, il ira perfectionner son art à Bayonne de 1982 à 1986 avant de revenir sur Paris où les Frères Francfort le repèrent et lui donnent l’occasion de faire ses classes avec les Gibson Brothers. A la fin des années 80, il embarque avec les Touré Kounda pour une collaboration riche d’enseignements. Djengué frappe alors dans l’œil de plusieurs producteurs et c’est sans surprise qu’on le retrouve dans le groupe de Salif Keita avec lequel il tournera pendant près de 10 ans, co-réalisant au passage le magnifique album « Folon » paru en 1995. Le Nigérian Femi Kuti lui trouve aussi un groove assez particulier pour lui demander de collaborer. S’en suivra alors pour Femi plusieurs années d’un afro-beat mâtiné de la touche du Camerounais qui de temps à autre fera des piges de qualité : Carlinhos Brown, Rachid Taha, Souad Massi pour n’en citer que quelques unes.
Cela ne l’empêchera pas pourtant de composer et produire des pièces originales. JVCMusic du Japon lui tendra une perche intéressante et en 2000 sortira « Sango », un album dans lequel il inscrit ses origines camerounaises et affiche un esprit aux influences multiples. Les lignes de basse de ce disque et la réalisation de cette galette rappellent un certain Marcus Miller dont il n’a jamais caché l’égale influence sur son parcours et côté textes, il est appuyé par son cousin Samuel « Sammy » Nja Kwa qui lui adapte dans un douala conséquent, les multiples mots qui croisent ses envolées de rythmicien. L’album le révèle alors aux amateurs du genre mais pèche dans la distribution pour des questions bassement contractuelles qui lui laisseront un goût plutôt amer.
N’empêche, Djengué est d’un naturel positif et s’acharne à donner du meilleur qu’il peut à toutes ses collaborations. L’Ethiop-érythréen Assab bénéficiera de son précieux apport, tout comme la Suissesse d’origine angolaise, Florence Chitacumbi très récemment. Il fera aussi une tournée mémorable avec le batteur Mokhtar Samba avec lequel il composait une base rythmique de choc. Ndoumbe Djengué osera également de merveilleux titres sur des compilations aussi originales qu’alternatives. On écoutera ainsi avec plaisir « Songs of What » parue chez Mastersun en 2005 dans un album dit de decontraction ou encore la très brésilienne « Perigoso » inscrite dans le recueil « Poker Lounge Music » l’année dernière. L’homme nous concoctait un nouvel album avec ses complices Samuel « Sammy » Nja Kwa et Yves Njock (Sakiyo) et qu’on attendait impatiemment. Hélas, le destin cruel des grandes affections en aura décidé autrement. Un cancer vicieux, la maladie de Hodgkins, l’aura enlevé à la musique, à ses amis et surtout aux siens. Il laisse dans le deuil sa conjointe Evelyn Van Versendaal et deux enfants, Dwight et Indy-Lynn.