[Abracadabra in jazz] Randy Weston l’africain
Affirmation absolue tant par ses origines jamaïcaines que par l'héritage culturel africain partagé entre le jazz et la musique caribéenne.
Natif de Brooklyn, un des faubourgs de New York, le plus afro-américain et afro caribéen de cette grande métropole où la culture jazz est la plus ancrée dans les esprits. La grande pomme comme le disent les jazzmen (écouter le très beau disque " New York " de Georges Russel avec les poèmes Jon Hendricks et sa récitation), the big apple, où c'est là où il faut absolument se faire un nom pour tout musicien de jazz de qualité et inventer un style. Patrie musicale de Duke Ellington, Thelonious Monk, Billie Holiday, Bud Powell, Charlie Parker, Dizzy Gillespie, tous mentors et idoles de Randy qui sur le piano du restaurant de son père à Bedford-Stuyvesant participe à la couleur musicale de ce quartier de Brooklyn très ambiance " village africain ". Le clavier est totalement occupé et exploré par ce grand pianiste de plus de deux mètres qui attaque le piano comme un tambour, qui d'ailleurs ne doit pas être battu mais caressé comme l'indique Duke Ellington dans son extraordinaire pièce, je dis pièce, pas comédie musicale terme beaucoup trop Broadway, nommée " A drum is a woman ". Randy gardera de cette enfance baignée d'amour au sein de sa famille la passion de ceux qui en ce village africain new-yorkais nommé Bedford-Stuyvesant participèrent à l'émergence et à la pérennisation de l'univers magique d'un langage musical. Celui qui transcende la race, la couleur, la nationalité, celui qui parle à et est compris par l'esprit humain et qui se dit jazz. Tout le parcours musical de Randy est jalonné de compositions musicales, issues de son vécu, qui parlent à la spiritualité de l'homme, et qui dévoilent la primauté africaine. Extraordinaire prémonition naturellement et intuitivement affirmée puisque maintenant il est scientifiquement démontré que les origines de l'homme sont africaines. L'Afrique, mère de l'humanité sera pour Randy le drapeau qu'il déploiera haut et fort ici et ailleurs et en toutes circonstances. Passion pour l'Afrique vécue sensuellement lors de multiples voyages en ces lieux ancestraux du Nigeria au Maroc où il séjournera à Tanger des années découvrant la prépondérance africaine musicale de ce pays à travers les gnawas, longtemps inavouée et ignorée volontairement par les officiels de la culture. Randy va bien au-delà de la musique ou mieux va au fondement philosophique de celle-ci qui ne se limite pas à son exécution mais à sa signification qui induit au combat pour sa survie. Démarche nécessairement politique menée pour que Nelson Mandela soit libéré. Militant actif aux cotés d'autres afro-américains tel que Max Roach et Harry Belafonte pour que soit reconnue la naissance d'un état réellement africain en Afrique du Sud. Randy y consacrera son temps et ses talents de compositeur donnant toujours à sa musique une conscience de combat spirituel. Il restera, et cela est cohérent avec ses idées, à l'écart des systèmes de soumission alimentaire très suivis par certains noms prestigieux du jazz aux USA et ailleurs et refusera toujours d'être inféodé au commerce per se où l'artiste est traité comme un amuseur public. Rien ne sera fait de sa part qui ne porte la marque de son intégrité. Et les temps peuvent être très durs surtout pour ceux qui résistent au système mercantile, mais grâce à son esprit de résistance hérité du jazz Randy survole ce petit monde frivole et mesquin pour évoluer dans un autre azur. Azur où il retrouve toujours pour l'exécution de ses compositions les mêmes sincères et fidèles compagnons tels que entre autres Idriss Muhammad, Azzedine Weston, Idress Sulieman, Dewey Redman, Billy Harper, TK Blue, Benny Powell, Alex Blake, Melba Liston, Big Black, poussant toujours plus loin les données musicales essentiellement africaines de ses concepts. La musique composée de Randy est constamment en devenir, poursuivant la même trace pour poser les mêmes jalons, ceux de la reconnaissance universelle de cette musique nommée jazz qui est beaucoup plus africaine qu'américaine. Africaine en essence, américaine en existence. Il a toujours montré un très fort engouement pour tous les mouvements d'identité afro-américains et leurs traductions musicales. Le reggae, la musique latine, brésilienne, antillaise par exemple ne lui sont pas étrangers et bien avant les courants de convergence tels que l'afro-cubain et le jazz bossa nova sa pratique pianistique en portait déjà la couleur. Monde foisonnant, libre, chaleureux, exaltant, tragique, généreux, mystique, cosmique et terrien, partagé dans la matrice et sa diaspora que Randy dévoile au monde dans un immense désir de réunion des hommes. Pour Randy Weston, la musique est influencée par l'histoire, la culture, la spiritualité africaines. Elle est l'illustration de ces mots de l'historien John Henri Clarke " Il n'y a pas d'histoire du monde sans histoire africaine ". Pour nous de Gwada, nous nous devons d'être très attentifs à la présence de ce musicien qui sera ici durant le mois de Décembre. Randy Weston nous fera partager sa science musicale et surtout ses concepts qui sont vitaux pour tout afro-américain, car ils célèbrent le génie musical de notre héritage par des compositions incessantes disant le manque actuel du sacrifice rituel, l'absolue nécessité du sens, l'impérieuse communion entre les hommes afin que le monde se transforme en forme d'art et que la vie soit une instable jouissance.Luc
P.S. Albums hautement recommandés : "Portrait of Duke Ellington" "Portrait of Thelonious Monk" "Self-Portrait" "The spirits of our ancestors" "Khepera" Tous chez Verve.