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Dans la dizaine de morceaux que nous propose cet album on retrouve quelques morceaux présents dans des réalisations précédentes, que ce soit avec Simen Kontra ou avec Horizon. Parmi eux citons « Nikol » et « Neg mawon » dont on peut cependant interroger la pertinence du traitement de la matière vocale, (un peu trop zouk), et ce qu’elle apporte réellement en terme de musicalité (sur « Nikol » plus particulièrement). L’album recèle néanmoins de belles perles comme le magnifique « Swing infernal » qui aurait pu s’appeler aussi « Groove infernal » tant l’efficacité du thème fonctionne entre les voix et la guitare. Guitare dont le son vire franchement au hard rock dans ce morceau, mais avec la même lucidité et la même présence presque obsédante qui signe le travail de Christian Laviso. Un album tout en puissance donc. Mais une puissance gagnée sur l’efficacité du discours et sur la force évocatrice. A mettre entre les mains de ceux qui douteraient encore de la valeur jazzistique de la musique des Ka. |
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mai 2005 – Alain Joséphine
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Entretien avec Christian Laviso et Kenny Garrett – 15 mai 2005 – Guadeloupe
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![]() KG : C’était lors de mon premier concert à LaKasa [en 2003 – NDLR]. Ce qui s’est passé, c’est que je voulais écouter de la musique locale, et David Drumeaux, le patron de LaKasa, m’a dit qu’il fallait que j’écoute du Gwo-Ka. Il voulait qu’on aille à ce club en ville, le Point Vert où ces gars-là chantaient. J’ai trouvé ça très intéressant. David m’a dit que c’était du Gwo-Ka, et que ça sonnait comme venant d’Afrique. J’ai demandé si je pouvais en écouter, si je pouvais jouer avec eux. Il m’a dit d’accord, qu’on allait aller à ce club. Il a commencé à me parler de Christian, il m’a dit qu’il y avait un guitariste dans ce club qu’il fallait absolument écouter. Ca a vraiment été le début de notre relation. J’étais intrigué par cette musique, et j’avais envie de savoir ce que c’était, parce que ça me touchait. Et en fait après, à chaque fois que je suis revenu en Guadeloupe, je suis retourné à ce club pour écouter. LBB : Christian, la première fois que Kenny est venu, tu étais au courant ou bien c’était une surprise ? CL : En fait, j’avais aussi demandé à David de l’amener. Je savais que c’était quelqu’un qui n’était pas fermé, qui avait beaucoup de possibilités rythmiques et je sentais bien que même en tant que personne, il y avait quelque chose à faire. LBB : Kenny, vous attendiez quelque chose de cette nouvelle musique ? KG : En fait la première fois que j’ai entendu cette musique dans la rue, c’était totalement improvisé, et je ne savais pas du tout où était ma place là-dedans. Donc après j’ai bien écouté la musique, j’ai essayé de sentir où pouvait être ma place. LBB : Christian, l’arrivée de Kenny Garrett t’a t-elle ouvert des idées, des voies différentes autour du Ka ? CL : Il y a ça, c’est vrai, mais ce qui était intéressant aussi c’était de voir ce qu’un tel technicien – avec un grand coeur également – pouvait faire avec cette musique. Et Kenny ne cherche pas nécessairement à “faire des choses”, il essaie aussi simplement de s’adapter. LBB : Kenny, vous êtes particulièrement intéressé par les différents langages du monde. Est-ce que le Gwo-ka représente pour vous un nouveau langage à explorer ? KG : C’était quelque chose que je cherchais, et quand j’ai entendu le Gwo-ka, j’ai tout de suite vu qu’il y avait quelque chose ici, qui était enraciné dans la tradition africaine. Je pense que ça remonte en fait à la fois où j’étais venu avec Miles. J’avais eu un vrai feeling, et je crois que j’étais tombé amoureux de ce pays. On avait voyagé partout, mais les souvenirs qui restaient étaient ceux de Guadeloupe. En fait on avait eu de la chance, on avait eu le temps de profiter de la mer, on avait été dans les écoles… ça avait vraiment été formidable, et j’avais toujours voulu revenir ici. Et donc je suis finalement revenu, et pour ma rencontre avec la musique, ça a été un plus. L’année dernière, j’étais venu mais je n’avais pas eu beaucoup de temps. Nous avions fait le concert et j’étais parti tout de suite après. Donc cette fois-ci, ça été encore plus intéressant, parce que j’ai eu la chance de bouger, de vivre avec les musiciens, avant de jouer sur scène. Je crois que j’ai pu commencer à mieux comprendre cette musique.
KG : En fait, on ne peut pas vraiment dire “quelques années”. Ca a plutôt été une fois, puis une autre, sans continuité. Il a fallu que je me réadapte à une nouvelle situation. Donc pour moi, pour véritablement entrer dans la musique, il faut que je reste ici plus longtemps. En fait je comprends le langage, une fois que je l’ai entendu, mais je ne suis pas vraiment dedans. C’est comme pour n’importe quelle langue, vous avez besoin d’être dedans. CL : Ca m’a permis de voir, par rapport à ce que lui fait, comment finalement on aurait pu se “marier”. Comme on dit en créole, trouver le lyannaj. Et c’est différent de ce que j’ai pu faire avec d’autres. LBB : Comment travaillez-vous ensemble ? Comment travaillez-vous la musique ? KG : On travaille par le langage des signes !!! [rires]. En fait, nous travaillons sur la musique de Christian, sur ses compositions. C’est la meilleure manière pour moi d’entrer dans le Gwo-ka. Et à travers sa musique, j’essaie de comprendre la tradition du Gwo-ka. LBB : Kenny, une grande part de votre musique est basée sur l’énergie. Retrouvez-vous ça dans le Gwo-ka ? KG : Vous savez, cette musique est différente de ma musique, donc je ne sais pas si on peut comparer, mais oui, il y a vraiment beaucoup d’énergie aussi dans cette musique. à condition d’en comprendre le sens. Il n’y a qu’à voir comment nous essayons de l’interpréter, et par exemple nous avons joué hier soir et j’essayais de comprendre pourquoi tel morceau s’appelait comme ça ou autrement. Et en fait je ne sais pas pourquoi, mais je lui fais confiance !! LBB : Avez-vous des projets en commun ? KG : Je ne crois pas que nous en ayons pour l’instant, mais bien sûr, nous aimerions faire quelque chose ensemble. L’idée c’est d’étudier la musique, et d’essayer de l’interpréter d’une manière correcte. Je ne veux pas arriver et dire “ok, c’est le Gwo-ka, et je veux faire ci ou ça”. Je veux comprendre la tradition et l’histoire du Gwo-ka. Donc bien sûr j’espère revenir. LBB : Christian, des projets communs ? CL : On verra ça plus tard !! LBB : Merci à vous deux. KG : You’re welcome! CL : Merci. |
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Propos recueillis par Christophe Jenny – 15 mai 2005 |