[Abracadabra in jazz] Les pères fondateurs trahis / oubliés

Même en jazz, qui par définition est une musique rebelle et en son essence fondamentalement opposée au système régnant aux Etats-Unis ou ailleurs, depuis sa naissance, car cri d’expression d’une minorité réduite à l’état animal (voir les ghettos des grandes villes et des campagnes du Sud) il y a des nègres musiciens qui ont tourné le dos à leur identité et qui se font du mieux qu’il leur ait toutefois permis, de goûter aux joies du salon. (voir Malcom X dans son discours Message to the grass roots).

Cette musique de parias et d’exclus a donné des voix et mis en action des voies que le « système » fait taire et écarte car elles risqueraient de ruiner ses fondations hypocrites régnantes. (Voir Bush Junior).

Charlie Parker et Thelonious Monk par exemple pour ne citer que ceux-la sont à peine découverts pour ce qu’ils sont vraiment c.a.d. des forces contraires et décapantes et de ce fait très peu joués surtout à l’essence de leurs différences… Leurs propositions sauvages et pures ont été domestiqués et délavés de leur substance dérangeante et déstabilisante pour le milieu musical régnant aux States.

Ainsi le monde révélé par Miles dans sa partie électrique est à peine découvert et ici en Gwada où elle peut avoir référence identitaire et trouver un écho dans notre champ gwoka modal et atonal, personne n’ose y aller voir. Peur ou courbette culturelle ?

Que de richesses à découvrir chez Lennie Tristano, Georges Russell, Phineas Newborn, Jeanne Lee, et tant d’autres ignorés et non écoutés restant dans les marges non lues du livre du jazz.

Beaucoup de pianistes singuliers sur cet instrument noble et complet ,le meilleur à violer et digne pour quelques noms, Jelly Roll Morton,Cecil Taylor,Nina Simone(digne exemple pour nos chanteuses pianistes où la verdeur et la conscience font bon ménage), Hampton Hawes, Matthew Ship, Herbie Hancock. Chez les trompettistes, Fats Navarro, Clifford Brown (acier brûlant disant l’urgence) et chez les chanteuses Billie Holiday, la vierge-putain Marie Madeleine de ce monde raciste et impitoyable toujours prêt à bouffer du nègre pauvre. Billie qui a réussi à travers les « songs » de l’autre à tout dire sur sa situation et la sienne.

Signalons encore parmi les délaissés injustement Georges Wallington, Eddie Costa, Jaco Pastorius, Jimmy Giuffre, qui nous font noter que l’injustice n’est pas uniquement antinègre mais anti-artiste.

Dès que vos notes ne sont pas habituelles vous commencerez à avoir la surprise du refus puis le dédain. Vous êtes écartés définitivement.

On peut comprendre alors le refuge dans les substances.

On ne joue plus que pour soi, divin onanisme !

On peut mieux comprendre aussi cet axiome « L’important n’est pas ce que l’on joue mais ce que l’on ne joue pas » et on peut mettre à la place de jouer le terme dire. Tout cela procédant de l’analyse existentialiste d’une situation forcée tant sur le plan social et esthétique qu’il est mieux de dire autrement surtout quand on sait par expérience vécue qu’on ne sera jamais entendue car le fait d’être entendue est une opposition fondamentale avec la situation proposée.

Situation qui serait se livrer pieds et mains liés au tyran destructeur. On voit l’impossible vécu qui ne peut que ramener l’artiste à un discours totalement dirigé sur son moi intime.

Tous les grands artistes afro-américains partagent cet univers. Chant désespéré qui rejoint celui des romantiques européens réagissant contre le monde bourgeois du 19ème siècle. Chant tragique de ceux qui veulent dérouter l’art bourgeois et le confondre jusqu’à prôner un discours inintelligible tel l’art abstrait pour traduire une réalité tragi-comique et horrible.

Le jazz man(dit prototype du nègre rebelle) est comme d’autres le poète maudit du 20ème siècle et il rejoint tous ses frères artistes du monde qui ne peuvent plus dire le monde tant il est obscur. Et le dire passe par la révolte et le meurtre. Que votre instrument soit une arme et qu’il fasse éclater ce faux monde où vos pères fondateurs n’ont pu trouver place. Ainsi seulement l’héritage musical afro-américain sera perpétué comme seule vérité pour l’homme et retrouvera ses pères fondateurs en ce sens alors reconnus et immortalisés

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