[Abracadabra in jazz] Le Jazz et la Radio en Guadeloupe
RFO : Dimanche de 21 h à 22h par J.L.Girondin
RCI : Rien
Radios dites libres : Nada ou quasi.
Le voila le sujet qui fâche ou qui dit tout sur notre surdité au Jazz. Car comment peut-on parler de musique quand elle n’est pas présente sur les ondes ?
Pour reprendre Marshall McLuhan « le message c’est le massage » pour dire que plus une chose est répétée plus elle s’inscrit en nous. C’est l’A-B-C de la connaissance. Or en Guadeloupe pays afro-américain, cousin de la patrie Jazz USA, rien ou pratiquement rien de radiophoniquement jazzistique ou autour.
C’est dire l’ignorance étrange, et même plus, car à ce niveau de surdité on peut se poser la question de l’oreille. Quelle oreille et pourquoi ? Pas de vraie musique ou si peu que cela en est une aumône ! Il est curieux que les autorités culturelles soient plutôt indifférentes à cette absence de qualité.
Il y a pourtant beaucoup de musique sur les ondes mais à ce volume on peut se demander "quelle musique ?" . Ce n’est pas faire injure aux auditeurs que de dire qu’elle est pansement ou médicament. Mais elle est surtout un moyen de percevoir notre monde local. Quelle en est la nature et la qualité ?
Disons clairement qu’elle est ici pour jouer un rôle d’outil d’aliénation. Faire oublier, faire taire et faire croire et surtout ne pas penser : voila la finalité. Qualitativement c’est plutôt 4 sur 10. Laissons cette musique alimentaire qui ne connaît que le marché. Laissons-la à sa vacuité indigente. Le CSA, qui est l’organisme de prescription radiophonique dit que la règle des radios libres est d'être au service de tous et ceci pour le respect culturel de la société. Mais ici la règle ne s’applique pas.
Ce vide local est abyssal et tant bien que mal on le comble par l’écoute de France Inter qui est une vraie radio en ce sens qu’elle joue avec intelligence et diversité comme toute radio devrait le faire.
Pourquoi n'en est-il pas ainsi ici ? Radio Massabielle, Radio Tambou et quelques autres, seules rares oasis noyées dans le désert, persistent mais s’essoufflent devant l’indifférence. Pour les amateurs de bonne musique et de Jazz en particulier que nous sommes, il est temps de tirer la sonnette d’alarme et de poser les bonnes questions à nos responsables culturels d’Etat, et de demander aux responsables de la vie civile de hausser le ton, de réclamer pour tous ce qu’ils savent comme bon pour eux.
Cette indifférence, coupable de laisser régner sur les ondes guadeloupéennes la médiocrité musicale se doit d’être dénoncée car nuisible à la collectivité. A ce principe essentiel de la musique d’être élément du savoir et acteur du rapport social, il y a ici peu d’évidence. Certes nous avons la possibilité par la matière sonore enregistrée de nous nourrir aux bonnes sources (CD et DVD) et elles sont nécessaires.
Mais l’arrosage du terrain, c’est là où les choses sont essentielles. De plus, se satisfaire de la disposition extérieure est quelque peu discriminatoire pour ceux dont les moyens sont modestes. Certes il existe des lieux de culture, médiathèques et autres mais leur faible fréquentation est symbolique d’une culture qui ne réussit pas à se mettre à la hauteur de tous ou à se faire écouter de ceux qui en ont le plus besoin.
Vaste question !
L’adéquation culturelle en pays colonisé ou tout simplement socialement hiérarchique comme en métropole où les médias sont sous contrôle du marché est une gageure. Mais ici où il est urgent d’éduquer, en dépit de la situation désespérante, des initiatives peuvent être prises.
Mise en place d’une radio où toutes les bonnes musiques seraient chez elles et diffusées. Faire de l’Inter local. Ce n’est pas hors de notre portée. Pour cela il faut de la volonté et des ressources. Il y a ici des ressources. Il suffit de regarder autour de soi les manifestations culturelles qui sont mises en place sans se soucier des oreilles, et qui coûtent une année d’existence pour une radio modeste, alors que leur impact est négligeable au niveau du culturel. Il faut d’abord faire en sorte que le son soit écouté, et pratiqué selon la formule de McLuhan.
La volonté c’est hélas ce qui fait défaut ; celle surtout de faire pour les autres !