[Abracadabra in jazz] De quelques incongruités sur le fait JAZZ now !

Est-ce que ce mot maintenant mondial veut encore dire quelque chose ?

Est-ce qu’il correspond à une réalité socio-politique où plutôt, est-ce qu’il y répond ?

Car la situation des afro-américains aux Etats-Unis a changé sur la forme mais pas sur le fond. On peut discuter des détails mais l’assassinat culturel est aussi constant et la finalité déclarée est une assimilation aux idéaux anglo-saxons et une soumission au capitalisme mercantile qui est la structure de la société américaine. Tout ce qui dans le jazz est contraire à ce vécu américain moyen est vu comme une herbe sauvage et dangereuse, à extirper inexorablement.

La lucidité souvent exprimée à ce sujet des quelques rares artistes ne se pliant pas aux goûts généraux du grand public ne peut que rendre pessimiste et désespéré sur la survie de ce mode d’expression.

Les jeunes créateurs qui à New York et autres villes essaient de s’exprimer et de dire la situation dans laquelle ils vivent sont à cours d’audience. Depuis des années nous recherchons ceux qui ont comme critères la recherche, la création, un discours fort et vrai sur leur milieu à l’égal de celui qu’avaient les boppers sur la situation dans les années 40. Notre récolte est maigre et quand elle ramène un original discours, sa pérennité est problématique car le système est là qui guette et veillera à réduire cette voix différente et forte à un discours qui puisse plaire à tous. Et tel artiste prometteur se verra réduit à être un simple robinet d’eau tiède et sans saveur. Ce constat souvent réalisé épuise tout désir de croire que le système pourrait laisser échapper ” un Monk “. Si le jazz se résume à être juste un discours sans saveur et sans odeur alors revoyons la sémantique du mot jazz. Nous savons que chez ceux qui pratiquent et suivent les traces déjà indiquées par les anciens le plaisir dionysiaque existe toujours, et nous ne voulons pas mettre un bémol à leur jouissance si ce n’est que de reconnaître le bonheur de la répétition de l’excellence et de ses vertus. Mais il faut la création. Toujours pourchassée et domptée par les forces de l’oppression capitaliste. Malgré cette vision cruelle qui nous est imposée car notre regard ne peut que prendre conscience de la construction monstrueuse du génocide culturel et humain qui est fait aux afro-américains.

En dehors des States cette adoration mimétique du jazz est comme une dorure sur une peau qui n’a plus d’identité propre. Un finnois ira au jazz aux dépens de sa culture propre. Nous grossissons le trait volontairement car nous savons qu’il y a beaucoup de par le monde d’acteurs musicaux qui à partir de leur propre culture, fabriquent une alliance avec le jazz riche de lendemains.

Nous saluons ces créateurs qui mesurent dans la praxis le caractère inventif de leur démarche qui se veut personnelle et ne répondant qu’à leur vision esthétique.

Ici en Guadeloupe, comment être objectif sur la situation ? Car si nous partons de notre vécu socioculturel, nous sommes déjà en porte à faux par rapport à nous-mêmes et ce n’est pas la découverte à peine vieille de 50 ans du tambour comme valeur existentielle de notre culture qui suffira à guider nos pas dans une expression qui disent qui nous sommes pour le meilleur ou pour le pire. Cette récente jeunesse culturelle révélée depuis peu doit être laissée à son entière expression en plein exercice de révolte, d’insultes et de provocation, tout en sauvant un espace intouchable et sauvage. Il ne doit pas être question de la forme mais du fond. La recherche à partir des forces enfouies et honnies depuis des lustres est essentielle pour parvenir à une expression propre. Autrement dit le flirt sans objet et sans avenir avec les musiques cousines que sont le jazz et la musique afro-cubaine par souci faux d’identité, est voué à l’échec et à la déception. Il est difficile sinon impossible d’être l’autre et cela est sans objet ni avenir. On peut toujours s’amuser à porter des masques et dire qu’ils sont les siens mais cela mène où ? Nowhere, baby ! Nous parlons ici aux créateurs et à ceux qui veulent l’être, et pour qui cette démarche est vitale.

Par contre, il est toujours possible de s’amuser, mais après la légèreté, il est encore possible de regarder en soi et de trouver. Comme Lockel qui hait la facilité.

Et puis reconnaissons que dans la grande musique afro-américaine, de Duke, de Miles, de Coltrane et de Monk, il y a des avenues où on peut rouler comme chez soi et ne rencontrer personne car peu y sont allés, et surtout pas les occidentaux car cela les mettrait en porte à faux par rapport à leur culture. Nous, par contre, nous avons le passeport naturellement, car notre culture porte cette marque Yoruba commune. Après tout il y a une esthétique dite africaine qui nous est intérieure.

Ainsi Miles électrique doit faire vibrer nos neurones.

Sinon jouez du musette. Il y a tout un monde musical que nous ignorons par manque de curiosité, ou par préjugés eurocentristes. Comme dit Bob Marley bien sûr, émancipons nos esprits de l’esclavage mental. En musique, c’est un must.

Le fond, gentlemen, toujours le fond, pas la forme. Et dites-vous cette évidence ellingtonienne ” c’est pas ce que tu joues mais comment tu le joues “. Jouer ici c’est pour ainsi dire vivre.

Le jazz c’est existentiel.

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