[Abracadabra in jazz] Alan et John Lomax, les oreilles sublimes

Comment peut-on être texan, blanc malgré soi et vouer sa vie à la découverte de la musique afro américaine du Sud des USA, pays ségrégationniste, puritain, arrogant et épouvantablement persuadé que Dieu, la loi et l’âme sont du côté des ” blancs “. Les noirs eux c’est du bétail corvéable et taillable à merci.

En 1930 il fallait un courage extrême pour sillonner ces Etats sudistes avec un magnétophone à cylindre, cadeau de la veuve de Thomas Edison, et mandaté par The Librarie of Congress à la recherche de musique primitive qui témoigne du vécu tragique et misérable du peuple noir.

John Lomax et Alan son fils ne feront rien d’autre que d’enregistrer des artistes ignorés et maltraités qui apporteront à ce pays qui les méprise ce qui sera l’essence de la musique populaire américaine, le blues, le jazz et puis le rythm’n’blues et le rock’n’roll.

Grâce à eux, tout un pan essentiel de la musique américaine d’origine africaine va être révélé au monde et paradoxalement donner aux USA ses lettres de noblesse musicale proprement américaines. Ces chants traduisent le monde cruel fait aux hommes de couleur. Ils apprennent à nos générations que l’homme quel qu’il soit et où qu’il soit quand il est confronté à l’adversité la plus effroyable peut la transgresser par l’expression musicale la plus poignante et transmettre à l’humanité un mode auquel elle peut s’identifier.

Cette révélation par les Lomax de l’identité cachée et secrète de l’Amérique qui a égoïstement pour des raisons exclusivement matérielles forgé les conditions de l’oppression horrible se veut rédemptrice et prend valeur de prise de conscience nationale en devenant pour la culture américaine l’une de ses richesses artistiques les plus authentiques et les plus sûres où paradoxalement ses fils des années 1950 jusqu’à aujourd’hui s’identifieront pleinement.

Un monde musical absolu, ravageur et impérialiste est ainsi mis en place, reconnu à ce jour comme définitivement américain et mondial et qui rarement a l’honnêteté de saluer ses créateurs d’origine qui n’ont eu du gâteau que les miettes.. Hélas !

Cette quête musicale des Lomax sans répit a commencé en 1920 pour s’achever en ce jour de la mort d’Alan le 19 juillet 2002 en Floride après avoir révélé Leadbelly, Jelly Roll Morton, Muddy Waters, Howling’Wolf, Bo Diddley, John Lee Hooker, Big Bill Bronzy, Sonny Boy Williamson, Memphis Slim, et beaucoup d’autres.

De cette musique jugée impie et sauvage s’inspireront ceux aux USA ou ailleurs qui n’ont pas souffert et qui donneront au monde des années 70 l’illumination musicale lucide sur elle-même en apportant à ce monde capitaliste et impitoyable, géniteur de l’esclavage, la nécessaire et indispensable morale salvatrice. Les pères ont tué, les fils ont adoré. La haine puis l’amour en quelques générations. Incroyable occident judéo-chrétien !

De toute cette superbe et morale histoire il faut tirer l’enseignement suivant en ce qui concerne les Lomax : La passion qui transgresse les contingences humaines et qui pousse à révéler de l’homme le sublime de son existence quelle que soit la situation horrible qui lui est faite est ce qui doit guider tout être humain dans sa pratique quotidienne qui devient alors artistique.

Quand vous rencontrerez cette passion, saluez la bien bas. Elle est partagée par les musiciens et ceux qui aiment la musique. Elle nous fait encore défaut aujourd’hui, bien souvent. L’histoire se répète inlassablement.

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