À vingt ans d’intervalle, la musique de Roger Raspail est toujours affaire de famille. « Fanny’s Dream », qui s’appuyait alors sur Alain Jean-Marie, Michel Alibo, Franck Curier, Mokhtar Samba ou encore Dominique Bérose, reprenait le nom de sa fille. Avec « Dalva », c’est la nouvelle génération qui est honorée. Doublement d’ailleurs puisque Roger en profite pour confier à Réda Samba, fils de…, les clés de la rythmique de l’album. Résolument festif et optimiste, « Dalva » célèbre la créolité dans sa diversité, tout en restant fermement ancré dans le gwoka, l’ADN véritable de Roger Raspail. « Dalva » est aussi un voyage dans la mémoire, la vie et la carrière de Roger. Au long de l’album, Roger Raspail s’appuie sur une équipe solide où l’on retrouve pêle-mêle Patrick Marie-Magdelaine (g), Mike Clinton (b), Florian Pellissier (keys) ou encore Maryll Abbas (acc.). La section de cuivre donne sa chaleur à Dalva, emmenée par Pierre Chabrèle (trb), Rémi Sciutto (sax, fl) et Yvon Guillard (tp). Tout le monde ou presque participe aux chœurs à son tour, et outre le maître de cérémonie, on y retrouve avec plaisir Valérie Belinga et No Yon Grimbert. Les clins d’œil se succèdent – avec par exemple la participation de Jacob Desvarieux au très zouk Nuit Douce, écho des années Kassav’ de Roger. Alain Jean-Marie illumine l’album, entre mélodies et harmonies toujours ciselées avec une finesse extrême. On retrouve d’ailleurs un extrait des Biguines Réflexions avec An Ti Kaz La, aux couleurs boula et kaladja. Roger a également invité un autre ami de trente ans, Patrice Caratini – qui avait aussi de son côté monté Chofé Biguine La avec Alain Jean-Marie, sur quelques titres, ainsi que le violoncelliste Vincent Segal avec lequel il avait réalisé une tournée en duo l’an dernier – et qui n’est autre que le neveu d’Alain Jean-Marie. Histoire de famille, vous dis-je ! Patrice Caratini et Florian Pellissier donnent alternativement la réplique sur Oui Cé Vou, éclairé par la voix de Nicole Wagner di Reinhardt. Parmi les reprises on trouve aussi le très brésilien Bossa de la Plage – ici interprété par un Sylvain Padra inspiré, et qui figurait déjà sur Fanny’s Dream. L’Afrique s’invite sur la Ballade à l’Ilet Pérou, avec laquelle Roger nous entraine sur les terres de Capesterre Belle-Eau qu’il affectionne tant pour y être né. Hors de Guadeloupe, Roger invite – juste retour des choses, le trinidadien Anthony Joseph qui nous entraine en Haïti sur le très traditionnel Rara – et en duo avec Sylvain Padra, ainsi que sur un Kalypso Ka qui hésite entre groove, gwoka et calypso, pour finalement embrasser les trois en une fusion particulièrement réjouissante. C’est d’ailleurs le ka qui résonne dans le Baye la Vwa final, scandé par Dao Adélaïde, et hommage aux précurseurs antillais, Michel Rovelas, Robert Loyson, Aimé Césaire… Avec « Dalva », Roger Raspail expose son grand cœur, nous fait voyager dans l’univers créole à la fois dans sa richesse et en toute simplicité ; un disque véritablement roboratif à écouter et réécouter en ces jours parfois incertains. Au passage, nous avons une pensée émue suite à la toute récente disparition de Gérard Terronès, producteur anticonformiste et figure du jazz, qui avait produit « Fanny’s Dream » il y a vingt ans et avec lequel Roger se faisait une joie de partager « Dalva ».
Dalva (Roger Raspail)
Année : 2017 Label / référence : Heavenly Sweetness (HS160)
Personnel : Alfred Rosane Gatibelza, Henri Gabelus, Cyrille Daumont - Patrick Marie-Magdelaine - Jacob Desvarieux - Mike Clinton - Florian Pellissier - Alain Jean-Marie - Maryll Abbas - Vincent Segal - Anissa Altmayer - Patrice Caratini - Pierre Chabrelle, Rémi Sciutto, Yvon Guillard - Reda Samba - Sylvain Padra - Nicole Wagner dit Reinhardt - Dao Adélaïde - Valérie Belinga ; No Yon Grimbert - Roger Raspail
