Nuit & Jour, le voyage improvisé de Grégory Privat.

C’est dans l’atmosphère feutrée de son appartement de Marseille, sur le Steinway B qui trône dans le salon, qu’Hélène Dumez a enregistré quatorze pianistes parmi ce qui se fait de mieux dans le jazz aujourd’hui en France, en leur laissant carte blanche. Sous le label Paradis Improvisé ainsi créé, les albums ont paru au rythme de deux disques tous les deux mois, d’octobre 2022 à novembre 2023. Parmi ceux-ci, nous retiendrons égoïstement la merveilleuse Creole Promenade proposée par Alain Jean-Marie, et, pour ce qui nous occupe aujourd’hui, Nuit & Jour, par Grégory Privat. Car oui, cette semaine, le deuxième vient de confirmer sa marche dans les traces du premier, en décrochant à son tour, le prix de Musicien de l’Année décerné par l’Académie du Jazz, le prix Django Reinhardt, attribué à l’époque à Alain Jean-Marie. C’était en 1979. Pour situer le niveau, je précise tout de suite qu’étaient également nommés à ses côtés, Laurent Coulondre et Arnaud Dolmen… Pour la série d’Hélène Dumez, Grégory avait joué le jeu jusqu’au bout en livrant huit titres entièrement improvisés. « En m’asseyant au piano, je n’avais aucune idée de ce que j’allais jouer », me confiait-il récemment. L’album s’ouvre sur trois pièces de nuit qui, pour renforcer l’ambiance, ont été jouées, elles, sur le piano droit de la maison, au son étouffé d’une couverture. Grégory s’assoit ensuite au demi-queue pour cinq pièces de jour, plus lumineuses. Le pianiste martiniquais nous plonge dans un univers de musique contemporaine spontanée, influencée par les compositeurs du début du XXe siècle qu’il adore – on pourrait citer Satie ou Barber aussi bien que Ravel, Debussy ou encore Janácek – et parsemé finement d’harmonies jazz et d’ostinatos, de mélodies arpégées et de contrastes de climats. L’exercice n’est pas sans rappeler les improvisations publiques d’un autre monument du piano, Keith Jarrett – même si le style en diffère. Nuit & Jour est un voyage, une réflexion introspective, on y palpe littéralement le temps qui passe, fait d’arabesques, de spontanéité (mais qui sonne à cette heure ?), de nostalgie, de jaillissements et de mélodies aussi parfois fredonnées à l’unisson par Grégory. Nuit & Jour est un moment de grâce et un voyage, indispensable.


Grégory Privat : « Nuit & Jour »


Année : 2023
Label / Référence : Paradis Improvisé (PI 13412-1)
Personnel : Grégory Privat (pno)
Titres
1- Nuit 1 - 4:14 / 2- Nuit 2 - 4:08 / 3- Nuit 3 - 6:59 / 4- Jour 1 - 3:43 / 5- Jour 2 - 3:45 / 6- Jour 3 - 4:56 / 7- Jour 4 - 3:37 / 8- Jour 5 - 3:30

PS : Après ce papier d’une partialité assumée, précipitez-vous sur les albums des douze autres pianistes de la série, qui rassemble les noms de Pierre de Bethmann, Bojan Z, Eric Legnini, Jean-Pierre Como ou encore par exemple Leonardo Montana pour autant de tableaux de maitres.

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