Caribbean jazz, collection automne-hiver 2011/2012

Dernière livraison 2011, un très bon cru. Trois albums de jazz caribéen, récemment sortis, méritent largement que l’on revienne sur la fin de l’année musicale 2011 car ils ne doivent en aucun cas passer inaperçus. Encore une fois c’est la diversité, issue de la richesse culturelle des Antilles, qui frappe l’auditeur. Jugez plutôt : le bassiste Raymond d’Huy propose « Bikabass », probablement le plus « French Caribbean jazz » de tous ses albums, Franck Nicolas explore les multiples possibilités de la conque pour le troisième chapitre de Jazz-Ka Philosophy et Andy Narell, dans un double DVD de cinq films, publie une somme sans pareil à ce jour sur le steel drum.

Nous disons depuis longtemps que d’une part Raymond d’Huy est un indéniable virtuose de la basse, et que d’autre part il a un vrai sens de la belle mélodie. Il le prouve à nouveau avec « Bikabass » et dès le morceau d’ouverture, « Rézistans » qui donne le ton d’un album sur lequel il travaille depuis bientôt quatre ans, immédiatement après la sortie de son précédent disque, « MesTissages ». Côté jazz, on citera ses maitres évidents : Pat Metheny (« Marie-Laure » par exemple) et Marcus Miller (sur « Joker », succès repris de l’album « Zapping » des d’Huy Brothers – 1997, déjà !). Mais autour de la dispobandcamptrame purement caribéenne de son jazz (« Mizik »), Raymond d’Huy rajoute ses multiples influences, qu’elles soient fusion, zouk, reggae, free (quelques fulgurances ; écoutez « la Croisée des Chemins »), gwoka ou encore rock, dans un disque particulièrement travaillé – et pas seulement la musique, la pochette également – et foisonnant, où la basse est tour à tour souffle, rythme et mélodie. On retrouve autour du leader de nombreuses signatures connues et appréciées, les complices d’Alchimiks – Jean-Michel Lesdel et Raymond Grégo – les compagnons de longue date – Dominique Bérose, Jocelyn Ménard… Christian Laviso apporte sa guitareka au « Blues Peyi » et Raymond met en avant la voix de la talentueuse Leedyah Barlagne sur les deux titres chantés de l’album, « Respé » et « Plis Ki Pawôl ». Mais on y retrouve également pêle-mêle Philippe Sadikalay, Didier Juste, Sonny Troupé, Andy Narell, Ruddy Levis… « Bikabass » marque certainement un aboutissement dans la carrière du bassiste, qui nous présente là l’une de ses plus belles réalisations, et il faut que cela se sache.

Retrouvez Raymond d’Huy sur Facebook.

Depuis plus de dix ans, Franck Nicolas, développe son jazz-ka, fusion complète du jazz et du gwoka. Il s’est constitué une équipe, autour de l’emblématique Alain Jean-Marie, et avec Louis Allèbe Montjoly de Montaigne et Sonny Troupé. Pour le reste, il s’autorise quelques variations. Pour ce troisième volet de sa « Jazz-Ka Philosophy », d’une part il a fait appel au violoncelliste Nicolas Breton, et d’autre part, il a troqué trompette et bugle pour un disque exclusivement joué à la conque – ou, pour être exact, aux conques. Il pratique ces « instruments » depuis plusieurs années, que lui conçoit Martial Rancé à partir de coquillages soigneusement sélectionnés aux quatre coins du monde, de la Caraïbe à l’Australie, et a développé une technique qui lui permet de moduler les notes d’une façon unique. « Kokiyaj » est du coup un album très « aquatique » (écoutez Alain Jean-Marie voguer au Fender – si, si – dans « Sable de Lune » par exemple) dans lequel le trompettiste montre qu’il maitrise désormais le sujet du jazz-ka, et sous toutes ses formes. Autour du gwoka, la sensibilité d’Alain Jean-Marie et le choix du violoncelle insufflent à la musique une couleur parfois presque classique – Debussy n’est parfois pas loin – mais toujours caribéenne, et surtout guadeloupéenne par-dessus les tambours de Sonny Troupé. On oscille ainsi entre mélancolie (« Vague Etwnel »), groove & jazz (« Hymne à l’océan »), pour finir sur une belle note de légèreté avec « Hyppocampe ». Mais le plus extraordinaire dans cet album est probablement le fait que finalement pas une fois la trompette ne manque – Est-ce une surprise ? -, et qu’il s’agit d’un vrai disque de jazz – au « Kokiyaj » ! L’album est désormais dans les bacs, selon la formule consacrée, et en attendant de retrouver Franck au détour de l’un de ses nombreux autres projets de jazz ka : la fanfare ka, manioc poésie 2 et le terrible Trio Zalizé, avec Michel Alibo et Sonny Troupé !

Le site web de Franck Nicolas est ici : http://franck.nicolas.jazz.pagesperso-orange.fr/ et Franck est également sur Facebook.

J’allais commencer la présentation des DVD d’Andy Narell en vous indiquant de passer votre chemin si vous n’aimiez pas le steel drum, mais c’est une idiotie. Au contraire, plongez-vous dans “Alive” avec délectation, et vous tomberez à votre tour sous le charme. Loin des mauvais clichés d’une musique pour touristes en croisière, le steel drum est une vraie culture, ancrée dans une histoire caribéenne profonde. Trinidad vit et respire le steel drum, et ceux qui s’y penchent succombent à peu près à coup sûr sous l’emprise des « jumbies », les esprits du steel drum ! Andy Narell y a succombé depuis longtemps, suffisamment en tous cas pour être reconnu aujourd’hui dans la patrie même du steel drum et avoir même le droit de représenter sa musique et sa formation au Trinidad and Tobago Steelpan and Jazz festival en 2007. C’est l’objet d’un premier film passionnant qui nous emmène au cœur de la tradition et nous fait rencontrer les figures du Calypso au premier rang desquelles le chanteur Relator avec lequel Andy Narell a publié son plus récent disque. Les sessions d’enregistrement sont d’ailleurs documentées dans le film « University of Calypso Sessions ». Le concert donné à l’occasion de ce festival est partiellement reproduit dans le film « Live at Queens Hall ». Installé à Paris depuis plusieurs années, Andy y fait également vivre le steelpan et le calypso au sein d’une communauté très vivante. Des orchestres comme celui de Calypsociation sont ainsi particulièrement actifs, emmenés également par Laurent Lalsingué, paniste martiniquais renommé, et qui fait également partie du quartet Caraib II Jazz. L’un des défis d’Andy Narell a été d’emmener le Calypso à Köln et de partager la fièvre caribéenne avec le WDR Big Band. C’est l’ensemble de la formation Calypsociation, additionnée de la rythmique de Gregory Louis et Inor Sotolongo qui a ainsi fait le voyage. « Calypso Fever » nous raconte l’histoire de cette rencontre entre ces deux grandes formations, avant de profiter pleinement du concert avec « Live at the Köln Philharmonic ». La fusion fonctionne à merveille ; il est immédiatement évident que jouer du steelpan est une danse, et plus encore, en grande formation, un ballet ; c’est ce qui fait la force cette musique dans laquelle les musiciens qui la jouent sont de fait immergés corps et âmes ; et c’est clairement ce qui a l’air d’interroger – et de séduire – la section de cuivres du WDR Big Band !

Le site web d’Andy Narell est ici : http://andynarell.net/, mais vous pouvez également le retrouver sur Facebook.

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