[Ut musica poesis] Stanley Clarke au Centre Des Arts, ou l’inexorable montée du son

Un peu à la bourre, j’arrive juste à temps pour trouver la dernière place libre d’un Centre des Arts archi comble. Pendant que je me cale dans mon fauteuil, quelques regards jetés à droite et à gauche me permettent de constater qu’un bon nombre d’instrumentistes locaux avait fait le déplacement (50 euros la place tout de même).
Dans le brouhaha feutré les minutes s’égrènent, interminables. Et le public commence à manifester son impatience par des salves d’applaudissements spontanés. Réponse du berger à la bergère : les basses du maître sont amenées sur scène. Une contrebasse et la légendaire basse tenor, qui sont toutes deux accordées minutieusement et donc forcément assez lentement.

Quelques minutes plus tard les musiciens arrivent sur scène sous les applaudissements et le soulagement non feint du public. Mr Stanley Clarke accompagné de ses  “babies”, comme il se plaît à nommer ces jeunots dont la moyenne d’âge ne dépasse pas 23 ans, apparait avec sa non moins légendaire raie sur les trois quarts droits du crâne.

Le concert, ou plutôt le show débute, de façon tonitruante par un premier morceau où le bassiste s’illustre par le jeu si spectaculaire qui a fait et qui fait encore sa renommée. Solo également remarqué du batteur littéralement endiablé, qui sera d’ailleurs à lui tout seul, et par la force des choses, l’attraction du concert.

En effet au deuxième morceau, lorsque son tour arrive de devoir s’illustrer, il fait preuve d’une telle hargne et d’un tel enthousiasme (je peux vous dire que les feuilles, les toms et la grosse caisse ont passé  une rude soirée), qu’il termine son solo en s’éjectant de son siège, et en sautant sur toute la scène, comme si il voulait se débarrasser de l’énergie du jeu qui l’habitait.

Après les frasques du batteur, le préposé aux claviers entre dans l’arène, et de fort belle façon. Originaire d’Israël, il développe un jeu dans lequel les tensions harmoniques sont amenées très subtilement, le tout orchestré comme un énorme crescendo.

Le violoniste (originaire de Brooklyn, New York, et peut-être celui dont le jeu renferme le plus de musicalité), n’est pas en reste non plus. Tenant son violon comme une guitare, il nous gratifie d’un magnifique chorus en pizzicati avec un énorme groove !

S’enchaînent différentes compositions, dont une interprétée à la contrebasse et intitulée “Song For John”. Sur ce morceau le pianiste semble visiblement avoir un peu de mal avec le rythme, mais pas le batteur qui, cette fois-ci, “balance” littéralement son siège dans le fond de la scène à la fin de son chorus !

Le concert se termine par l’incontournable “Schooldays” qui donne lieu à une série de duos rythmiques basse/batterie de toute beauté. Mises en place, montées en intensités éblouissantes, et une réelle connivence entre les deux musiciens, mais qui tient un peu trop ostensiblement les autres à l’écart. Pendant l’inévitable, (et interminable) nouveau chorus du batteur, une seule question venait aux esprits :”Que va t-il bien pouvoir balancer cette fois-ci?”

Après un rappel qui ne tarda pas à faire revenir les musiciens, le quatuor entame un blues sur lequel le violoniste, qui finalement n’aura pas beaucoup joué, délivre un magnifique chorus dont les accents se rapprochent presque de la voix humaine.

C’est par un énième duo rythmique basse/batterie que le concert se termine cette fois-ci pour de bon, applaudi par un  public visiblement enchanté.

Et en effet, les amoureux de la démonstration et du show spectaculaire à l’américaine en ont eu pour leur argent!
Que faut-il retenir de ce concert?

D’abord un niveau sonore à l’intérieur de la salle beaucoup trop fort (les sièges en tremblaient) ; qui a énormément nuit au confort d’écoute. Ensuite on peut regretter un manifeste appauvrissement du jeu du bassiste qui se résume à des développements harmoniques sans réelle prises de risques et se résolvant par  des ostinatos répétés qui ont souvent du mal à tenir le tempo. Heureusement que le “son”  et les breaks d’ensemble étaient là pour donner de la crédibilité à l’ensemble.

Un concert donc, qui ne restera sans doute pas dans les mémoires comme un grand moment d’émotion, mais assurément comme un vivant spectacle populaire.



Ut Musica Poesis - Alain Joséphine

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