Deuxième soirée à Jazz à Junas, toujours sous le signe de la Caraïbe. C’est Jacques Schwarz-Bart qui ouvrait le bal avec Jazz Racine Haïti. Le saxophoniste guadeloupéen tourne actuellement avec ses deux projets autour des musiques d’Haïti et de Cuba – le second, Creole Spirits, créé avec Omar Sosa, sera présenté ce soir, si la météo nous l’accorde. Aux côtés du saxophoniste, Jazz Racine est emmené – au propre comme au figuré avec l’entrée en scène du groupe – par la chanteuse et prêtresse vaudou Moonlight Benjamin, en maîtresse de cérémonie. On retrouve derrière eux, et avec un immense plaisir, Grégory Privat au piano et Arnaud Dolmen à la batterie. A la contrebasse, l’excellent Stéphane Kerecki semble s’être coulé dans cet univers caribéen comme s’il y était né.
Le dialogue entre la voix et le saxophone s’installe dès les premières notes, autour du chant et des invocations de Moonlight Benjamin. Jacques accompagne, répond, propose, puis lui-même discourt. Derrière eux, Arnaud Dolmen défile avec une aisance déconcertante des rythmes venus d’ailleurs, tandis que Grégory Privat abuse avec un plaisir non feint, une technique, une énergie et une fluidité littéralement ravissantes, du grand piano enfin tout à lui. Alors que Moonlight s’éclipse – si, j’ai osé, désolé – sur quelques morceaux, le quartet se donne de l’espace et les dialogues s’enchainent alternativement entre les musiciens. Jacques, porté par le trio derrière lui, laisse parler sa force tout autant que son extrême musicalité. Un duo absolument époustouflant entre saxophone et batterie – et ce ne sera pas le seul – finit d’emporter l’adhésion d’un public conquis. Moonlight Benjamin rejoint le devant de la scène, et ajoute à son chant, la danse rituelle tout en grâce. L’occasion pour Jacques de proposer quelques morceaux en trio, tels qu’ils se présentent dans la formule du Voodoo Jazz Trio, et qui touchent directement à la spiritualité vaudou. Enfin, en apothéose, les cinq se retrouvent pour un final endiablé, dans une communion palpable et véritablement réjouissante. Superbe !
En deuxième partie de soirée, place au rythme et au groove avec le concert d’Anthony Joseph. Le trinidadien, basé à Londres, présente son nouvel album, Caribbean Roots, qui mélange slam, chant, funk, reggae, jazz ou encore calypso en une fusion particulièrement jouissive. Le ton est donné d’entrée de jeu et Anthony Joseph harangue directement le public, soutenu par un power group tout en puissance, dont l’omniprésent et indispensable Roger Raspail aux percussions, digne représentant de la Guadeloupe sur cet opus. Il donne d’ailleurs toute la mesure de son talent sur « Mano a Mano ». Les tubes en puissance se succèdent, dont l’irrésistible « Neckbone » – entre reggae dub et calypso – et bien sûr « Slinger », qui établit sans aucun doute, le lien évident entre l’Afrobeat, le groove caribéen et même les harmonies du Gospel. Une deuxième soirée encore une fois particulièrement réussie, très différente de celle d’hier, ce qui illustre encore s’il en était besoin la richesse musicale et culturelle des Caraïbes.