Jazz in the South – St. Lucia 2010

En ce mois de mai 2010, Iguane Xtet était invité au très caribéen Jazz in the South Festival à l’initiative de Labowi Promotions, qui se tient à Sainte Lucie en ouverture du St Lucia Jazz Festival. L’occasion de rencontrer et d’écouter quelques unes des formations les plus en vue de la région, voire d’un peu plus loin. Nous y étions.
Arrivée à St Lucie ce 2 mai pour assister au Festival Jazz in the South. Atterrissage à Castries dans la torpeur de l’après-midi du petit aéroport. Nous traversons l’île montagneuse d’Est en Ouest jusqu’à Dennery puis descendons la côte Atlantique jusqu’à Vieux-Fort où nous sommes logés. A peine posés, re-départ quasi immédiat pour le Rudy John Beach Park, sur la plage de Laborie où se déroulent les concerts du soir. Nous descendons au bord de l’eau où la foule commence à s’amasser. Soleil couchant, mer calme, un gros porteur atterrit doucement derrière nous. Nous sommes accueillis par Yves Renard, organisateur du festival, pendant que le groupe local Tropix reprend avec brio quelques tubes actuels entre soul, funk et r’n’b. Beaucoup de musiciens sont déjà arrivés, et je repère Roger Raspail qui tourne autour de la scène. Il connait tout le monde, ce qui entraine serrages de main et embrassades en série – belle ambiance. Roger a grandi dans les hauteurs bananières de Capesterre et a appris à cultiver la banane en même temps que de jouer du ka. Plus tard il émigre à Pointe-à-Pitre avant de faire le grand saut jusqu’à Paris. Il y va pour la musique et y vit la vie à la fois si dure et pourtant irremplaçable des passionnés. Il côtoie le jazz de l’époque, fréquente le Dreher, fait de petits boulots et surtout persévère, jusqu’à arriver aujourd’hui à un équilibre précaire, et à une reconnaissance incontestable en tant que percussionniste, qui lui permet d’en vivre et de garder ce sourire inimitable qui le caractérise. Il est à St Lucia pour y présenter la création qu’il a monté avec Kendel Hippolyte lors de la dernière édition du festival Vibrations Caraïbes. Roger est aussi à l’affût de photos, son fidèle Pentax argentique vissé à l’œil : il traque avec avidité musiciens et spectateurs. C’est sa deuxième passion !
Dobet Gnahoré. La jeune ivoirienne vient présenter son nouvel album, au sein d’un quartet cosmopolite et très soudé. Dans une tenue entre tradition et modernité elle saute littéralement sur scène avec la ferme intention de prendre le public à bras le corps. Danseuse de formation, elle remplit l’espace, joue avec le public et déploie une énergie vite contagieuse. Incantation, groove, Dobet développe son univers africain qui dépasse largement les frontières de la Côte d’ivoire. En témoignent ses paroles écrites aussi bien en baoulé qu’en swahili ! Avec Clive Govinden à la basse, originaire de l’île Maurice, et le togolais Boris Tchango à la batterie, le groupe repose sur une rythmique imparable et parfaitement huilée. Colin Laroche de Féline à la guitare – et qui signe également une bonne partie des compositions – passe avec agilité de la guitare africaine – apprise en Côte d’Ivoire – aux rythmiques groove, funk ou jazz qu’exige la musique de Dobet. La cohésion du quartet est palpable, et le résultat est une irrésistible envie – concrétisée d’ailleurs – de se remuer des pieds à la tête pour profiter au maximum de cette générosité qui nous est offerte. Après “Na Afriki” en 2007 qui l’avait révélée, “Djekpa Na You” insiste plus sur le groove tout en prolongeant les messages délivrés à travers des textes qui parlent de l’homme et de la terre et de leurs rapports souvent conflictuels, et bien sûr d’amour également. Une heure de prestation qui passe en un éclair, avant de passer la main au zouk électrique de Bamboolaz – avec Jean-Philippe Marthély en invité, qui achèvera une soirée riche en bonne musique.
Le deuxième soir du festival se déroulait dans l’enceinte du Coconut Bay Beach Resort. Superbe cadre dans un parc soigné à l’anglaise. C’est peut-être aussi le seul léger accroc du Festival – en tous cas un des rares points à probablement repenser pour les prochaines éditions : avec ce cadre trop isolé et probablement un peu intimidant, le festival n’a pas su ici attirer en masse les spectateurs de Vieux Fort ou Laborie. C’est un peu dommage, même si un parterre d’inconditionnels et de connaisseurs avait fait le déplacement, parfois depuis Castries, pour assister aux concerts. C’est la pianiste Rhea Drakes, de Barbade, qui ouvre la soirée avec son trio. Elle est suivie par le quintet des frères Mushy et Joël Widmaier. Ils présentent un répertoire basé sur les deux albums de Mushy, Koté Ou (1996) et My World (2005), dans le contexte particulier de l’après 12 janvier. Du coup, la musique transmet une émotion palpable. A la trompette, Jean Caze, deuxième au prestigieux concours international Thelonious Monk en 2007 donne un éclat particulier à la musique tout en synthèse de Mushy, dans laquelle se mêlent la Caraïbe, le rock, le jazz et parfois la musique moderne du XXe siècle – il est actuellement en pleine période Dutilleux ! Pour clore le show, Thurgot Théodat monte sur scène avec conque et saxophone, soulevant instantanément l’assistance qui se retrouve dans cette fusion éminemment caribéenne.
Au soir du 4 mai se produisaient d’abord le groupe Kléwé de Sainte-Lucie, emmené par Riccardo François et Emerson Nurse, puis Iguane Xtet et sa fusion jazz rock caribéenne… J’hésite à vous parler de ce dernier, étant un peu partial sur le sujet. J’ai juste relevé deux appréciations que m’ont confié les organisateurs du festival : “It’s exactly what we’ve been expecting” me lâchait Len Leonce pendant la prestation du groupe, tandis que le présentateur nous étreignait tous au sortir de scène : “Thanks for having brought to us the hell of a band!”. Je ne sais pas si c’était totalement objectif, mais en tout cas, cela fait chaud au cœur ! Les six étaient quoi qu’il en soit heureux de se retrouver ensemble sur scène, occasions aujourd’hui trop rares malheureusement – mais Labowi Promotions avait tenu à ce que Jonathan Jurion et Marc Chillet soient de la partie, autour du quartet guadeloupéen formé avec Alain Joséphine, Fabrice Fanfant, Joby Julienne et Eric Danquin. Le timing serré de ce petit voyage ne nous a pas permis d’écouter le lendemain, tout d’abord le projet Roger Raspail / Kendel Hippolyte puis le All Stars caribéen, apothéose du festival avec entre autres Luther François, Thurgot Théodat, Etienne Charles… Mais Iguane Xtet devait revenir en Guadeloupe pour commencer à enregistrer les premières pistes de son album à venir ! Un mal pour un bien en quelque sorte ! A peine débarqués à Pointe-à-Pitre, les six prenaient le chemin de Sainte-Anne pour se retrouver au studio Golden Ears et prolonger jusqu’au bout cette semaine musicale.


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