Le Bananier Bleu : Comment êtes-vous venues à la musique ? Quelle est votre formation ?
Lisa : Il y avait beaucoup de jazz à la maison. Mon père en écoutait tout le temps. Il animait une petite émission de radio dans la radio locale de la ville où on habitait dans le Loiret. J’ai fait un peu de musique enfant, du violon – sans grand succès -, du piano classique. Je me suis rendu compte que j’aimais bien improviser, composer des petits trucs, j’avais envie de trouver des idées moi-même… et finalement je me suis petit à petit tournée vers le jazz. Mon père écoutait beaucoup Coltrane, Dexter, Ben Webster, Coleman Hawkins – bien sûr Miles Davis et plein d’autres choses aussi -, mais pour moi le saxophone, c’était vraiment un instrument emblématique. J’aimais bien les pochettes, je regardais les instruments. Je m’y suis mise vers 10 ans je crois. Mais en fait j’étais plutôt lancée dans des études littéraires, j’ai fait une classe prépa pour entrer à Normale Sup, les lettres classiques, la philo, les langues… Je continuais à travailler le sax, et c’était une heure de latin, une heure de grec, une heure de sax, une heure de philo, une heure d’histoire, une heure de sax, une heure d’allemand… A l’époque où je suis arrivée à Paris pour mes études, j’allais régulièrement aux bœufs du CIM, le mercredi en fin d’après-midi, souvent on finissait super tard, et le lendemain il fallait aller en cours… J’ai quand même fini ma prépa, et puis en 2000, j’ai décidé que ça suffisait, et de ne faire plus que de la musique, faire ça sérieusement, et puis surtout prendre des cours, chose que je n’avais jamais fait véritablement jusque-là, à part quelques stages et de petites formations de base !
Sophie : Je crois que c’est, enfant, grâce à “Pierre et le loup” raconté par Gérard Philipe ! J’ai choisi de jouer de la clarinette à ce moment là. Il n’y a pas de saxophone dans “Pierre et le loup”… Pour ce qui est de la formation, je n’ai fait que trois mois au CIM. A l’IACP, j’ai pris des cours assez ciblés, comme l’arrangement et le big band et cela pendant un an seulement. Quant à mon passage au Conservatoire, une année d’arrangement, c’était en auditeur libre. En fait, je considère plutôt avoir appris le saxophone par mes propres moyens et l’improvisation sur les disques, à l’ancienne…
LBB : [Julie] L’apprentissage prend une grande importance pour toi, à tel point qu’après une déjà solide formation tu continues à travers des stages réguliers de batterie, en particulier aux Etats-Unis.
Julie : Il est vrai que la formation est quelque chose de très important pour moi. J’ai commencé par l’IACP, ensuite j’ai passé un an au CMCN de Nancy avec Frank Agulhon, André Charlier, Benoit Sourisse etc… Depuis, j’ai suivi de nombreux stages à la Drummers Collective de New York. Les formations actuelles permettent de gagner du temps et de pouvoir constamment s’améliorer, progresser.
LBB : [Lisa] Tu sors tout juste du cycle de formation du CNSM. As-tu l’impression d’être prête, ou bien tout reste t-il à apprendre, par l’expérience ?
Lisa : Déjà, pour y rentrer, j’ai pris un peu de cours avec André Villéger et Sylvain Beuf. J’ai mis deux-trois ans à me préparer, je bossais mon instrument cinq ou six heures par jour et finalement je suis rentrée au CNSM en classe de jazz. Je vais passer mon prix à la fin de l’année. J’ai beaucoup évolué en quatre ans. Les deux premières années étaient vraiment déstabilisantes parce que ça part dans tous les sens, et on perd ses marques… et puis au cours de la troisième et quatrième année, il y a des choses qui se posent, qui se solidifient, qui sont vraiment là, donc effectivement je pense que j’ai bien évolué, même sur l’ouverture musicale en général. J’écoute dix fois plus de trucs qu’avant. La musique que j’ai envie de faire n’a rien à voir avec ce que je faisais, ce que j’écoutais en arrivant. Alors prête, peut-être pas, mais je commence à trouver le chemin de ce que ça pourrait être ma personnalité musicale.
LBB : Comment vous êtes-vous finalement rencontrées, ou plutôt, depuis quand vous connaissez-vous ?
Julie : On s’est rencontrées dans le groupe Rumbanana, un orchestre féminin de salsa créé en 1995. On a beaucoup travaillé avec ce groupe qui a notamment été pendant quatre ans l’orchestre attitré de « La Grosse Emission » sur la chaine Comédie créée par Dominique Farrugia. Du coup on a travaillé avec Les Robins des Bois, Kad et Olivier, Daniel Prévost, Alain Chabat… C’est vrai qu’on a découvert la musique latine à cette occasion. Alors il a fallu beaucoup travailler. J’ai vraiment particulièrement flashé sur cette musique et du coup je continue à en jouer.
Lisa : On se connait depuis trois-quatre ans, parce que je remplace régulièrement Sophie dans les Rumbananas . Mais on se retrouve aussi régulièrement, on se remplace les unes les autres, on se croise dans des groupes à Paris, féminins ou mixtes. On se refile du boulot, c’est un petit réseau de femmes musiciennes !
Sophie : Je connais Julie depuis mon entrée dans le groupe de salsa Rumbanana. Et Lisa avant tout parce qu’elle m’a beaucoup remplacée dans Rumbanana à l’époque où on avait encore du boulot…
LBB : Vous avez toutes les trois fréquenté “La Fontaine”, à Paris, qui vient malheureusement de fermer ses portes, émanation de l’association “le Laboratoire de la création”.
Sophie : J’ai dû faire un des premiers concerts de “La Fontaine”. J’avais l’habitude d’aller jouer au chapeau dans un endroit un peu plus bas, qui s’appelle “Chez Abdès”. Julien Caumer le programmateur est venu me dire un jour qu’il avait trouvé un super lieu pour faire de la musique à deux pas de là. C’était “La Fontaine”. C’est très triste qu’un endroit comme celui là n’existe plus. C’était un lieu de recherche, de rencontres et de vie pour le quartier. Un lieu de jazz fréquenté par des jeunes !