Julie : Oui, c’était vraiment un merveilleux laboratoire de recherche. J’ai monté plusieurs formations grâce à “La Fontaine”. Cela vient de fermer et c’est bien dommage. J’avais enregistré en trio avec Allen Hoist là-bas. On a gardé les bandes mais c’était plus pour avoir une trace et il n’est pas prévu de les éditer.
Lisa : Je n’ai joué qu’une fois parce que je ne connaissais pas bien Julien Caumer au début, et puis après ça a fermé. C’est vrai que c’était un endroit chouette, moi, ça m’a permis de faire mes premières armes avec mon groupe, d’essayer la formule, les compos. Sophie et Julie ont carrément eu des résidences là-bas. Un endroit où tu peux vraiment chercher, inviter des gens…
LBB : Aujourd’hui – et déjà depuis un certain temps – vous êtes réunies au sein du Ladies 4tet de Rhoda Scott… Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Julie : Alors ça, c’est vraiment la classe ! Elle représente vraiment une force pour moi. C’est une des premières femmes musiciennes en France qui ait été reconnue, admirée et respectée en tant que telle. Pour moi, c’est une sorte d’exemple, de mentor. Ca aide pour ne pas baisser les bras, surtout en début de carrière, lorsqu’on on se sent encore fragile et vraiment pas soutenue en tant que femme. En plus, sa musique est vraiment généreuse… D’ailleurs, elle est elle-même une personne généreuse. Je le sens et ça me donne une grande énergie. Le public de Rhoda sort toujours heureux de ses concerts et ça, ça na pas de prix !
Lisa : C’est une véritable chance de se retrouver là, d’abord parce que ça me permet de jouer avec elle ! Mais surtout, ça permet d’avoir une idée de ce qu’a pu être le jazz, le swing, le jazz traditionnel que l’on n’a pas connu directement. C’est comme si j’avais accès à la source ! Parfois, j’ai l’impression d’être dans un disque Blue Note des années 60 ! Rhoda a une telle carrière derrière elle que c’est un peu comme de jouer avec une légende, même si c’est une personne super accessible en fait. Ce sont des sensations que je n’ai jamais eu ailleurs. C’est une manière d’être liées à l’histoire du jazz. Evidemment pour nous et notre génération en France c’est de plus en plus dur parce que le jazz aujourd’hui c’est justement une musique où on cherche à faire un nouveau son, quelque chose de personnel. C’est vrai que je ne me vois pas remonter sous mon nom un groupe de be-bop par exemple ! En plus j’adore cette musique, c’est la musique que j’ai écouté et travaillé, et c’est comme si il y avait un fil quand même qui nous reliait à la tradition et à l’histoire. C’est vrai que d’essayer de ne pas perdre ce fil là c’est important.
Sophie : C’est une chance énorme de jouer avec une femme de cette expérience là, qui a un tel enthousiasme pour cette musique et qui a un vécu du jazz et des musiciens de jazz tellement incomparable au nôtre !
LBB : Comment travaillez-vous ensemble ?
Lisa : On se retrouve pour ces concerts là mais on ne travaille pas vraiment ensemble là-dessus. On a toutes un peu cette culture là… avoir écouté Jimmy Smith, Horace Silver, Cannonball Adderley… et là en plus ça commence vraiment à bien sonner, il commence à y avoir un son de groupe.
Sophie : On ne travaille pas, on joue ! Rhoda ne répète jamais sauf à la balance et encore… Par contre sur scène elle ne fait pas semblant de jouer.
LBB : [Sophie] C’est probablement toi qui à ce jour cumule le plus d’expériences diverses, en tout cas gravées. L’ouverture musicale est évidente, par exemple avec le travail avec le big band électro Pepper Pills. Un mot ?
Sophie : Effectivement, depuis quelque temps je m’ouvre à d’autres musiques et les mélanges m’attirent même si il faut absolument éviter certains écueils. Il ne s’agit pas de métisser à tout crin. Mais les autres musiques, comme la musique brésilienne, le rock… sont d’une telle richesse et en même temps sont d’une approche tellement différente que ce serait dommage de ne pas s’en inspirer.
LBB : [Sophie] Tu as présenté ton premier album, “Insulaire” en 2005, dans lequel, outre ton groupe, on retrouve en invité Emmanuel Bex qui est invité du Festival également. Et là, tu viens juste de terminer les séances d’enregistrement de ton prochain album. Peux-tu nous présenter ce travail, encore sans titre…
Sophie : L’album s’appelle “Uncaged”. Il réunit Laurent Coq au Fender Rhodes et piano, Yoni Zelnik à la contrebasse et Karl Jannuska à la batterie. Nous avons un invité en la personne de Seb Martel, guitariste de talent qui a signé son premier album sous son nom mais qui est plus connu pour sa collaboration avec le chanteur M. J’ai composé cinq titres, Laurent deux et Karl un. Je suis très heureuse de ce projet. Je n’en dis pas plus… à vous de le découvrir !
LBB : [Julie] Difficile de trouver des enregistrements de Julie Saury… et pour cause, il n’en existe pas ! Cependant, tu joues énormément, et dans de nombreux projets différents. Comment conçois-tu ta carrière musicale ?
Julie : On a un projet commun avec Sophie. Ca s’appelle « Les New Antics ». On y retrouve aussi Carine Bonnefoy et Félipe Cabrera. Il y a un extrait sur ma page MySpace, « Vertigo ». Par ailleurs, je travaille beaucoup avec le trio de Philippe Milanta, évidemment avec Rhoda Scott, le quartet de Sébastien Llado, le bigband de Laurent Mignard big band, le grand orchestre du Splendid – et oui… -, Yaité Ramos aussi, qui faisait partie de Rumbanana. Donc finalement, je me considère surtout comme une sidewoman. J’aime servir la musique des autres. Depuis quelques années je suis fan de Mario Canonge, et particulièrement de la formation Sakésho, avec Michel Alibo et Jean-Philippe Fanfant. Ce que j’aime là-dedans, c’est la combinaison d’une musique festive tout en étant rigoureuse et ambitieuse. J’aimerais pouvoir être un jour reconnue pour ça.