Après un EP sorti il y a déjà trois ans, après avoir écouté Ralph Lavital sur de nombreuses scènes où il a brillé par son jeu et son inspiration ces dernières années, tant en leader qu’en sideman, on attendait avec impatience un premier album du guitariste. C’est chose faite avec Carnaval qui sort chez Jazz Family en ce mois de mai 2017. Ralph a réuni autour de lui une partie de la nouvelle génération de jazzmen antillais, avec qui il a souvent partagé la scène laboratoire du Baiser Salé, de jeunes musiciens souvent époustouflants, au rang desquels Tilo Bertholo ou Zacharie Abraham. Laurent Coq fait figure d’ancien, mais a ici une place de quasi-mentor, ayant d’abord eu Ralph Lavital comme étudiant, avant de l’entrainer sur les routes au sein de son trio. Outre de la guitare, de nombreux thèmes sont chantés, en général par Nicolas Pelage, sauf quand le leader donne lui-même de la voix – sur Présent, Big In. Enfin, deux invités viennent enrichir le propos, Laurent Lalsingué – que l’on connait depuis Caraib II Jazz, et Ricardo Izquierdo, beaucoup entendu également ces derniers temps, et cuivre remarqué du nouveau quintet de Mario Canonge et Michel Zenino.
Carnaval (Ralph Lavital)
Année : 2017
Label / référence :
Personnel : Ralph Lavital, Nicolas Pelage, Laurent Coq, Zacharie Abraham, Tilo Bertholo, Laurent Lalsingué, Ricardo Izquierdo
Carnaval oscille entre jazz et danse, entre les Antilles et la tradition du jazz nord-américain. Aux premières notes de Grand Nous, l’influence de Pat Metheny saute aux oreilles, tant dans le son et les arrangements – écoutez le doublement de la mélodie au chant – mais on pourrait aussi citer le Caribbean Cool Jazz de Patrick Marie-Magdelaine. Toutes les compositions sont de Ralph – à l’exception de Les Etés – et les mélodies allient de manière étonnante une tradition caribéenne et l’influence de certaines musiques contemporaines du début du XXe siècle – Présent, Les Etés justement, dont les thèmes sont dignes d’Henri Duparc, et témoins d’une culture des plus diversifiée. Ralph nous rappelle à l’occasion quel virtuose il est, mais sans aucune ostentation, et le groupe déroule brillamment à sa suite, comme dans ce Mazouk Pitché qui fait la part belle aux fûts de Tilo Bertholo. Avec Carnaval, on voyage bien évidemment aux Antilles, avec les accents de Trinidad rapportés par le steel pan de Laurent Lalsingué, ou bien avec les chœurs qui nous ramènent dans la tradition de Kimbol à Sainte-Anne. On se prend invariablement à taper du pied – voire à danser même au long de ce Carnaval festif, où même les titres plus intérieurs restent lumineux comme Douvan, magnifiquement interprété par Nicolas Pelage. La musicalité de Ralph éclate sur le très beau duo piano guitare Blind, avant que la chaleur caribéenne ne reprenne le dessus avec Big In. Sur cette conclusion réjouissante, Ralph Lavital s’accompagne en même temps qu’il improvise et donne au jazz biguine des couleurs bigarrées particulièrement réussies, tout comme cet album. Woulo bravo !