[Ut musica poesis] La peur du silence
La musique, un silence orné de notes. Voilà une affirmation qui pose bien, à mon sens, une des problématiques musicales fondamentales devant laquelle tout musicien a du ou devra interroger sa pratique. C'est aussi le postulat que le silence préexiste à la musique, et qu'en quelque sorte, elle doit se faire autour et à partir de lui. Poser le silence comme point de départ de la musique paraît évident. Avant le concert, le silence est le moment intercalé entre le moment du bruit, et le moment de la musique. C'est l'apnée du temps qui contient tous les possibles. C'est surtout l'attention de l'auditoire suspendue à la venue de la première note.
Mais là où le silence suscite la peur, outre la peur de commencer, c'est à l'intérieur de la musique. Parce qu'il est souvent associé au vide, le silence est ce qu'il faut combler à tout prix. Or le silence n'est pas le vide. Tout au contraire du vide, qui nie ou annule toute velléité de vie, c'est-à-dire de mouvement, le silence est l'immanence de toute vie non encore manifestée. Il est arrêt du mouvement et non pas inexistence de mouvement. Intégré dans le discours musical, et d'ailleurs dans tout discours, il ménage les césures, les poses qui donneront sens (en tous cas sur le plan formel) à ce qui est dit.
La peur du silence c'est la peur de n'avoir rien à dire. Autrement dit, l'urgente nécessité de toujours dire quelque chose. Comme si l'absence de notes signifiait la mort de la musique.
A mon sens, c'est l'inverse qui se produit. Le silence, quand il intervient comme respiration donne vie à la musique, maintient l'auditoire dans l'attente : il le contraint à écouter, c'est-à-dire à ressentir l'inéluctabilité de chaque note.