Il y a deux ans, lors de l’édition Caraïbe du festival Jazz à Junas, Arnaud Dolmen participait à l’un des premiers concerts du concept Quint’Up de Mario Canonge et Michel Zenino. L’occasion de discuter des projets en cours, car même si cela fait dix ans que je suis Arnaud, les possibilités de rencontres se raréfient. Car oui, je l’ai vu arriver tout jeune – il n’est toujours pas si vieux, d’ailleurs – sur les scènes de Guadeloupe, fraichement émoulu de Kimbol puis de l’école Agostini, souvent aux côtés du grand frère Sonny. Avec le temps, il s’est affirmé, s’est émancipé, et surtout nous a tous éblouis par la finesse, l’intelligence et la douce folie de son jeu entre jazz et tradition du gwoka. Sur scène, comme dans la vraie vie, ses traits de caractère principaux sont sa joie d’être « là » et sa modestie. C’est du coup presque avec timidité qu’il m’avait tendu, très confidentiellement, la musique de Tonbé Lévé, presque achevée. « Dis-moi si tu penses que c’est bien… ». Inutile de vous dire que c’est plutôt moi qui me suis trouvé touché qu’Arnaud me fasse cette confiance (heureusement, je suis loin d’être le seul à qui il demande un avis !). Je dois avouer qu’ensuite, j’ai trainé des pieds… sans aucune excuse valable d’ailleurs. Résultat, l’album est sorti l’an dernier, et bien qu’il tourne régulièrement en boucle dans mes oreilles, ce n’est qu’aujourd’hui que je m’assois pour vous en dire quelques mots.
Pour présenter Tonbé Lévé, Arnaud s’appuie sur un quartet de jeunes musiciens particulièrement talentueux. Léonardo Montana (pno), Adrien Sanchez (sax) et Joachim Govin (cb) – accessoirement fils de P.O. Govin, ancien saxophoniste d’Ultramarine – font partie de cette nouvelle génération de musiciens pour lesquels la rue des Lombards est un terrain de jeu permanent, source de rencontres multiples et d’émulation récurrente. Il en vient une entente parfaite qui transparait dans un album très jazz, à la fluidité remarquable. L’essentiel des compositions sont de la main d’Arnaud Dolmen. Elles mêlent la Caraïbe, le jazz et l’Afrique, une trilogie naturelle. Lionel Louéké est ainsi invité sur quelques titres, suite à leur rencontre sur la scène du festival IlôJazz en 2013 lors de la présentation du projet Parcours de Sonia et Dominique Bérose. On le retrouve sur Experience One ainsi que sur le morceau-titre, Tonbé Lévé, où il se mêle habilement au boulagyel. Mario Canonge rejoint le guitariste béninois sur un Karubé au jazz chaloupé. Tonbé Lévé voit aussi la participation au chant, de Cynthia Abraham et Erik Pédurand. Surtout on retiendra le drumming éminemment fin d’Arnaud Dolmen, qui à la fois colorie ses compositions autant qu’il les fait groover. Arnaud Dolmen rend aussi hommage avec Tonbé Lévé à la tradition dans laquelle il a été élevé, à travers les mots qu’il adresse lui-même au regretté Georges Troupé, fondateur de Kimbol. Sur Sonjé Jòj, morceau écrit dans la tradition de l’école, il est aussi soutenu par les chœurs de Fam Ki Ka. Enfin le jazz créole ressort dans le triptyque Mèsi La Fanmi, puis dans La Habana Kréyol, en guise de conclusion.
Si Tonbé Lévé, c’est suivre ses rêves, comme le dit Arnaud, on peut affirmer que ce premier album emprunte exactement le chemin qu’il faut pour cela. La critique et les programmateurs ne s’y sont pas trompés, les premiers en encensant cet enregistrement, et les seconds en invitant Arnaud Dolmen et son quartet sur leurs scènes. C’est ainsi que la semaine prochaine, le batteur sera successivement présent à Millau (18 juillet), Junas (19 juillet) et Montpellier (20 juillet). A ne pas manquer, bien sûr ! Et au fait, vous avez vu le discobole, à l’arrière de la pochette ?
Tonbé Lévé (Arnaud Dolmen quartet)
Année : 2017
Label / référence : autoproduit
Personnel : Arnaud Dolmen, Leonardo Montana, Adrien Sanchez & Joachim Govin + Lionel Louéké, Mario Canonge, Irving Acao, Jasmina Legros, Erik Pédurand, Cynthia Abraham et Fanm Ki Ka.