Archimusic au Drillscan


Septembre 2010, Montreuil. Sous la houlette de Jean-Rémy Guédon son fondateur, Archimusic se réunit dans l’enceinte de la société DrillScan pour y célébrer la sortie du nouvel album de l’ensemble, « Terres Arc-en-ciel ». Un peu d’explication s’impose…


Archimusic ? Mais de quoi parle t-on au juste ?

Archimusic vit, respire, gronde, crie, murmure, souffle, râle, chante, siffle et joue une musique unique ; cohabitation de différents courants musicaux (classique, jazz, contemporain) dont sont issus les musiciens de l’ensemble. Avec son instrumentation originale et le parti pris du tout acoustique, Archimusic explore les compositions de Jean-Rémy Guédon depuis 1993. La littérature, le chant lyrique, la danse, le théâtre, beaucoup d’esthétiques et autant d’artistes partagent la scène avec Archimusic. Une musique très visuelle et concrète, facétieuse et surprenante, mêlant subtilement l’écrit et l’improvisé. A la fois savant et ludique, Archimusic donne à entendre une curieuse alchimie de musiques d’aujourd’hui.

« Terres arc-en-ciel » est le dernier né de l’ensemble

Riche de ses dernières expériences sur le continent africain, l’Ensemble Archimusic nous offre l’album « Terres Arc en Ciel ». Un carnet de voyage qui retrace trois ans de concerts en Afrique et en France. Ce disque est à l’image du projet, fort de sa pluralité : l’octet (saxophone, trompette, clarinettes, basson, hautbois, contrebasse, batterie) se mêle aux percussions et aux voix africaines, antillaises (conte, chorale, chant) pour un spectacle qui oscille entre écritures et improvisations. Une douce co-errance partagée. Ce disque est un itinéraire dans les lacets de l’altérité, le balafon voyageur guide vos pas à travers les plages du disque, il vous mène d’histoires en contes, glanés à Montreuil (fr), Pointe Noire(cg), Coutances(fr) et Yaoundé(cm).

Voyez les paroles, sentez les mouvements et goûtez la musique :

  • L’arc sonore de Maître Aba (décédé peu de temps après avoir partagé la scène en 2010 Cf plage 3),
  • Les chants maliens de Mama Draba (chanteuse qui collabore avec Ballaké Sissoko Cf plage 7),
  • Le rituel de O’Kiera dédié aux jumeaux chez les Mboshi du Congo, lancé par Germaine Ololo
  • et repris par l’assistance de l’espace Yaro (directrice de la compagnie Issima de Pointe Noire Cf plage11),
  • Et tant d’autres ambiances que le balafon voyageur vous conseillera…

Archimusic chez Drillscan

Une fois encore, le Bananier Bleu a le plaisir de vous faire partager des événements de musiques surprenantes accompagnés bien sûr d’une série d’interviews. Pour commencer cette nouvelle année, rien de tel qu’un partage musical. Place donc à Archimusic, un projet de Jean-Rémi Guédon, qui nous fait d’entrée pénétrer dans le monde de l’improbable !

lBb : Nous voici chez Drillscan, un lieu pour le moins atypique et j’aimerais que tu nous racontes cette rencontre.

Jean-Rémy : C’est notre troisième année chez Drillscan et comme le disait hier Yvan Amar, de France musique, lors de la captation du concert, « c’est le lieu le plus improbable que j’ai jamais vu ». Et il a raison ! Quand nous étions au Bénin, Christophe Simon, le voisin et ami de Nicolas Genest m’a dit qu’il était très touché par ce que nous faisions, en termes d’altérité entre artistes africains et européens. Étant lui-même né en Afrique de l’ouest. Il voulait nous aider et je lui ai tout simplement dit que ce dont j’avais besoin c’était de jouer avec mon ensemble ! Il est vrai que le problème que nous avons ce sont les diffuseurs ! On les attend beaucoup ! Bien sûr, ce n’est pas donné d’être à 8, 10, 13 mais ils ne semblent pas forcément intéressés, et moi j’ai vraiment besoin de jouer avec mon ensemble ! Christophe m’a alors dit qu’il lui arrivait d’organiser des fêtes dans sa boîte. Et donc là nous sommes dans les locaux de sa société de recherches dans le secteur pétrolifère ! Il met ses employés en télétravail pour que l’on puisse investir les lieux. Le mercredi soir, on installe tout et cela devient un club de jazz, un club « éphémère ». Drillscan c’est donc le nom de sa société. C’est la preuve aussi que les gens qui sont dans le pétrole ne sont pas tous pourris, et c’est un beau pied de nez par rapport à ce triangle Afrique-Caraibes-Europe que d’avoir un partenaire dans le pétrole, ça me fait bien rigoler !

lBb : Pour continuer dans le monde de l’improbable, parle-nous de ta formation.

Jean-Rémy : Tout va ensemble, c’est « un lieu improbable pour une musique improbable ! ». Improbable dans le sens qu’on ne peut pas forcément prévoir, et c’est ce qui m’intéresse. Parler de musique pour un musicien ce n’est pas un exercice évident, c’est un autre exercice que celui de faire de la musique, cela n’a rien à voir. Depuis Stefan Zweig, je sais que les mots et la musique ne peuvent pas s’entendre. Mais ce n’est pas du tout une raison pour ne pas essayer ! C’est ce qu’on fait avec Natacha Jeune Saintil. Cela doit être le huitième concert de la série. Et huit concerts à treize, c’est déjà quelque chose qui n’existe pas à Paris. Voilà donc quelque chose de tout à fait improbable. Treize artistes réalisant six répétitions et neuf concerts, payés à chaque fois qu’ils travaillent, cela n’existe pas non plus !

Coté musical c’est la troisième année qu’on lance l’invitation à des artistes. Cette fois ci nous avons trois musiciens : Philippe Gouyer Montout, Frantz Fereol et le percussionniste béninois Octavien Codjia, qu’on a déjà rencontrés lors de la création au cours de « Jazz sous les pommiers ». Aujourd’hui, on a décidé de renouveler le répertoire, et fort de la crise, je me suis dit qu’on allait inviter encore plus de gens ! (rires)

La Crise, c’est l’ouverture aussi, et ce qui me navre ici c’est que les gens ferment… On est comme des vieilles dames. La France est comme une vieille dame qui s’arque boute sur son sac, qui n’a plus que trois dragibus dedans et qui a peur de se les faire piquer ! (rires)

Nous avons donc invité Natacha la conteuse haïtienne et Dédé Saint Prix. Nous avions fait le premier hommage à Henri Guédon ensemble à Africolor en 2007. On jouait en première partie de la grande star Dédé ! Et là il a été d’une humilité extraordinaire. C’est un être humain que j’ai découvert, c’est une bibliothèque rythmique vivante, c’est un homme d’une intelligence… (Je vérifie qu’il ne soit pas là pour pouvoir continuer à faire des compliments !). Il est incroyable ce type et pour lui, comme pour moi, il y a une espèce d’ouverture et de révélation à travers cette série. Et on réussit à atteindre une adéquation entre les cinq invités et les huit membres de l’orchestre qui est rare. Pour moi on peut l’attribuer aux trois musiciens avec lesquels on a déjà travaillé et aussi bien sûr à la personnalité de Dédé et de Natacha.

En fait je mélange le point de vue musical et le point de vue humain parce qu’à mes yeux ils sont inséparables. Ce qui est dommage c’est qu’il y ait des vrais cons qui jouent très bien, ça c’est injuste. Cela dit pour moi la musique c’est comme l’amour, c’est très simple de conjuguer ses qualités, ça se fait tout seul, par contre conjuguer ses défauts c’est plus compliqué, et c’est ça le travail de fond, et c’est pour ça que cette formation existe depuis dix-sept ans.

lBb : Tu as dit lors d’une interview que ce n’était pas une musique mélangée mais que vous conjuguiez vos pratiques, que c’était une musique « hybride ». Quelle est la différence ?

Jean-Rémy : Le mélange, c’est ce qu’on entend sur les ondes, une rencontre autour du dénominateur commun le plus bas, une espèce de groove « pouet pouet » avec trois machines « zing zing », et une voix sortie de l’Amazonie ou de l’Afrique – quoique cela devienne usé comme destination, alors on commence à aller vers la Sibérie – on va trouver un grand père Sibérien et voilà ! Pour moi cela donne une fusion qui se conjugue vers le bas. C’est vrai qu’il y a une petite trouvaille mais on en fait un truc énorme. Je ne suis pas partisan de l’image d’Epinal du métissage, je trouve ça difficile, je trouve ça dur, parce qu’on est vraiment différents. Mon ambition c’est que l’on soit sur scène ensemble à défendre une musique où tout le monde se retrouve. Une musique où chacun s’exprime à sa façon, car si j’écris des partitions pour les percussionnistes et qu’ils ne lisent pas la musique, c’est impossible ! Cela dit, cela n’empêche pas d’avoir des structures un peu complexes. Ensuite, à l’inverse la science particulièrement rythmique, nous on ne l’a pas. Science dans le sens « savoir ». Sans doute parce que l’ethnocentrisme européen a décidé que ce qui était écrit avait plus de valeur que ce qui était dit. Ce sont les Romains qui ont foutu le bordel il y a 2000 ans. Le plus fou c’est qu’il y a encore des gens qui pensent comme ça !

Cette confrontation entre ces deux cultures va donc être riche et intense. Cela veut dire qu’on va s’entrechoquer, qu’il va y avoir des tensions parfois. C’est dur parce qu’on n’est pas sur nos rails habituels, et puis ils jouent fort ! Mais la percussion il y a un moment où ça doit jouer fort et si on n’a pas compris ça… cela ne sert à rien !

lBb : Jean-Rémy, merci pour ces commentaires. Tu parlais de « confrontation » tout à l’heure, sans que cela soit péjoratif, bien sûr, alors je vais bien évidemment maintenant donner la parole à ces fameux percussionnistes ! Je suis certaine que forts de leur talent et expérience ils nous feront partager avec plaisir leur « science rythmique » !

A suivre donc…


Plus d’information sur Archimusic : site officiel

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