« C’est pas du jazz ! » Cri de ralliement trop souvent entendu, de la part de ceux qui ne sont rassurés qu’une fois toute chose mise dans une case, sans déborder, sans qu’une tête dépasse… « C’est pas du jazz ! », crié haut et fort par ceux qui croient défendre LE jazz, alors que cela démontre justement qu’ils n’ont rien compris à l’affaire. Le jazz n’existe pas – mais l’esprit du jazz oui bien sûr ! -, ne se range pas dans une boite, ne se classe pas, et surtout, n’est absolument pas – et par définition – la vérité d’un seul et unique courant musical. C’est même tout le contraire. Et j’adhère donc fortement au coup de gueule de Steeve Delblond, qui répond de manière on ne peut plus constructive avec cette initiative rassembleuse, la création de la première édition du festival « C’est pas du jazz », qui justement, n’est que jazz !
Il faut dire que le jazz caribéen est probablement l’une des toutes premières cibles de ce « C’est pas du jazz » destructeur, qui freine de manière catastrophique la diffusion et la reconnaissance d’une très grande majorité des musiques métissées, régulièrement privées de programmation dans les grands festivals en France. Parce que « C’est pas du jazz ». Et si aujourd’hui certains artistes arrivent finalement à se placer dans ces évènements, c’est grâce à une patience et une pugnacité qui doivent surmonter deux fois plus d’obstacles que beaucoup d’autres. Nous sommes donc particulièrement sensibles à cette distinction arbitraire, qui sert souvent d’alibi pour ne pas avoir à discuter plus avant lors des propositions d’artistes aux programmateurs.
Donc à Montreuil, au mois de juin, « C’est pas du jazz », et je vous recommande de vous y précipiter. « Le propos artistique défend l’idée d’un mélange ou pont entre les musiques arabo-andalouses et les musiques d’influences africaines, caribéennes, et latino-américaines. La programmation résulte de ce choix et sera composée d’artistes issus d’univers variés, allant de l’Afrique à l’Océan Indien en passant par, l’Amérique Caribéenne, l’Amazonie, l’Amérique du sud pour ainsi visiter les territoires musicaux, afro-américains, canadiens, arabo-andalous ou océaniens…», déclare Steeve Delblond qui en est le Directeur artistique.
Sur trois jours, les 6, 7 et 8 juin prochains, nous aurons ainsi l’occasion d’écouter le trio du pianiste Dominique Leblanc, suivi de Yann Cléry & WHY Cie pour une soirée 100% guyanaise au Chinois (place du Marché à Montreuil – M° Croix de Chavaux), puis le lendemain le pianiste martiniquais Eric Ildefonse, suivi de Chris Combette au même endroit. Le lendemain, trois groupes se succèderont sur le marché de Croix de Chavaux : Kannigwé (Martinique, Normandie), Jowee Omicil (Canada, Haïti) et Fanfaraï (Algérie, Maroc, France).
Dominique Leblanc, né en Guadeloupe mais guyanais d’adoption, a déjà plusieurs disques en trio à son actif. Il sera sur la scène du Chinois, le 6 juin à partir de 20h00, accompagné par Yoann Danier (dms) et Nicolas Noyon (b). La soirée se poursuivra avec Yann Cléry, flûtiste guyanais, et son groupe WHY Cie (Romain Clerc-Renaud, keys, Thibault Perriard, dms, Laurent Salzard, b et Thomas Grommaire, g), qui navigue entre jazz, électro ou reggae dans un ensemble particulièrement percussif.
On ne présente plus Chris Combette, dont la folk caribéenne léchée rassemble tous les suffrages, et à retrouver par exemple sur son dernier album, Les Enfants de Gorée. Il sera en concert solo le 7 juin à partir de 20h00 au Chinois. La soirée se poursuivra avec le pianiste Eric Ildefonse. Désormais installé en Martinique où il fait tourner sa musique, son expérience s’est aussi construite en France et en Belgique. Il sera en concert au Chinois, avec l’équipe de son dernier album (Félipe Cabrera, b, Luther François, sax, Chander Sardjoe, dms & Philippe Gouyer-Montout, bèlè).
On retrouvera Philippe Gouyer-Montout le 8 juin à partir de 15h00, en concert gratuit sur la place du marché de Croix de Chavaux. Avec son groupe Kannigwé, il présentera son répertoire, forgé autour du bèlè, mais nourri d’influences venant du jazz, du reggae, du rock… Il sera suivi par la performance du saxophoniste prodige Jowee Omicil. Originaire d’Haïti, mais né à Montréal, il est passé par la Berklee School of Music et a déjà eu l’occasion de partager la scène avec Brandford Marsalis, Richard Bona, Marcus Miller parmi de nombreux autres. Il vient avec une équipe de choc, formée avec Jean-Phi Dary (keys), Félix Sabbal-Lecco (dms), Hervé Samb (g) et Alune Wade (b). A ne manquer sous aucun prétexte. Enfin, le festival s’achèvera avec Fanfaraï (fanfare, raï… c’est bon ? vous l’avez ?) qui métisse les musiques traditionnelles du Maghreb (raï, chaabi, gnawi, kabyle…), en les confrontant à d’autres influences culturelles latines, jazz, afro-cubaines ou tsigane. On ne peut plus énergisant !
Rendez-vous donc à Montreuil, du 6 au 8 juin, parce que « C’est pas du jazz » et ça le vaut bien !