La rencontre entre les deux artistes remonte à quelques années déjà, à une période où le chanteur se cherchait un peu et n’était pas forcément sûr de sa voie. Mais le déclic a eu lieu, et Erik Pédurand avait posé sa voix sur un titre de Zouk Out, dernier album en date de Mario Canonge. L’an dernier, ils se retrouvaient finalement en résidence à l’habitation La Ramée, pour une recherche en duo, inspirée par le lieu, son histoire, et sa résonance dans la société antillaise actuelle – quoique facilement extrapolable aux injustices plus larges du monde. La formule dépouillée mais riche de possibilités du piano voix seyait alors parfaitement au projet. Car avec Kapital, les deux hommes dénoncent les méfaits du capitalisme abusif qui se traduit par la déshumanisation du peuple, asservi à l’argent. Un esclavage moral qui n’est que le prolongement de celui, physique, subi pendant tant de siècles. La musique est sombre, mais jamais triste. Mario Canonge traduit au piano les rythmes traditionnels du Bèlè et du Gwoka, les enrobe de jazz, flirte avec les musiques contemporaines, tantôt nostalgique, et souvent rebelle. Il répond à Erik Pédurand qui a écrit tous les textes et les chante avec une fausse douceur, ou bien les pose de sa voix grave, avant de se fondre dans le rythme avec un boulagyel profond. Kapital est définitivement un projet atypique dans le paysage musical actuel, mais finalement très en phase avec le chaos en approche. Pour autant, c’est avant tout de la très belle musique où s’exprime pleinement la maturité du pianiste, et qui sert et révèle un chanteur que l’on espère désormais avoir l’occasion de réécouter souvent.
Kapital (Mario Canonge, Erik Pédurand)
Année : 2020
Label / référence : Aztec Musique (CM2507)
Personnel : Mario Canonge, Erik Pédurand