Chyco Simeon revient cette année avec le troisième album sous son nom, “Ozanam”. On y retrouve avec bonheur le groove de cette basse si particulière, qui illustre de façon originale l’actualité de la musique caribéenne. Chyco a rassemblé les amis de longue date (Fred Delbecq, Christophe Cravero…), quelques références du jazz caribéen (Thierry Fanfant, Michel Alibo, José Zébina…) et des petits nouveaux qui montent parmi lesquels le chanteur Stefan Filey. Présentation.
le Bananier bleu – Tu reviens en 2010 avec un troisième album sous ton nom, “Ozanam”. Comment places-tu cet album par rapport aux deux précédents ?
Chyco Simeon – Ozanam est la continuité de ma vision, de mon approche de la musique, de la vie, des joies, des peines… Ce troisième album est un enfant musical de plus. J’espère que le placer au dessus des deux autres ne paraît pas prétentieux mais je fais toujours tout pour être mieux que la veille donc cela a été le cas, aussi, en ce qui concerne cet album.
lBb – L’album s’ouvre sur “Caribbean world”, un morceau aux influences multiples. Comment vois-tu ta musique dans ce “concert caribéen” ?
CS – Je vis d’avantage ma musique que la “voir” mais disons que j’ai un côté vraiment urbain, même si il y a un côté caribéen qui fait la majeure partie de qui je suis. Mais je peux paraître comme un “extra terrestre” dans l’univers du jazz caribéen, ma musique ressemble davantage à du “Caribean Urban Jazz”. “Caribean World” est la synthèse de ce qui me ressemble, la musique traditionnelle avec les tambours, le hip hop/funk au niveau de la puissance, le jazz au niveau de la liberté, les violons qui ont eu une grande partie dans l’histoire de la bourgeoisie antillaise… Je fais partie de tout ça. Et la mélodie qui s’installe et se promène dans tous ces “paysages”.
lBb – Autour de la tradition caribéenne, de nombreux artistes essaient de faire évoluer les concepts, d’intégrer la nouveauté. Je pense par exemple à des gens comme Jeff Baillard ou Rico Toto. Avec une sensibilité plus jazz / groove, te sens-tu dans la même mouvance (Nathelière, Chameleon…) ?
CS – Nathelière est un titre “racontant” un moment où j’écoutais les frères Bernard jouer, à l’hôtel Batelière, en Martinique, et, où je me sentais seul sans ma femme, donc quand on connaît la couleur de leur musique on ne peut pas s’éloigner de leur approche jazzy.
Chameleon est un standard des Headhunters avec Herbie Hancock avec lequel j’ai grandi. J’ai voulu le reprendre dans un contexte très intimiste et live très groove…
Peu importe le style du titre quand je compose et réalise, mes deux souhaits sont qu’il touche le cœur et le corps des gens, les voir bouger la tête en rythme est déjà une satisfaction… La “folie” est une des “cartes” des artistes compositeurs, interprètes, créateurs, auteurs… et être sincère, dans ce que l’on propose, est primordial pour être entendu de la meilleure manière, donc, la mouvance est vue par ceux qui nous écoutent, nous regardent ou nous lisent. Je connais bien Jeff, du moins assez pour pouvoir dire qu’il n’essaie pas de faire évoluer quoi que ce soit mais qu’il est naturellement comme ça… Si on essayait de faire, ça sonnerait “faux”, on est vraiment musicalement comme on se montre et il s’avère que ce que l’on propose peut de temps en temps mettre un caillou de plus dans l’univers musical.
lBb – Difficile de passer outre l’influence de Marcus Miller, que tu revendiques d’ailleurs avec fierté. L’album est donc finalement très jazz, avec un recours fréquent à l’orgue. D’où vient ce choix ?
CS – En effet je le revendique, Marcus fait partie de mon apprentissage et en plus il est devenu un ami… Mais surtout je pense montrer autre chose, et de plus en plus avec le temps, qui dévoile d’avantage Chyco Simeon avec son univers musical caribéen, même si, le rôle de la basse montre mes influences.
L’orgue est un instrument que j’affectionne particulièrement, il est très complet dans son spectre au niveau fréquences et harmoniquement aussi. Il peut être rythmique et très spacieux et il se marie très bien avec la basse… Depuis enfant je suis fan de Jimmy Smith, Rhoda Scott, Eddy Louis…, et particulièrement d’un album que je dévorais quand j’étais gamin qui étais un duo entre Duke Ellington au piano et Count Basie à l’orgue…
L’orgue, le Rhodes, le Wurlitzer et le piano sont des claviers qui resteront toujours intemporels et si tu remarques bien je ne joue pas que de l’orgue dans l’album mais aussi pas mal de Rhodes et Wurlitzer…
lBb – Puisque on y est, peux-tu nous parler des musiciens qui t’entourent sur cet album ?
CS – Dans cet album je suis entouré de grands artistes/musiciens d’un grand talent tels que Christophe Cravero au violon et qui a aussi fait un solo d’orgue, Le chanteur Stefan Filey qui est un chanteur de soul et qui, auparavant, faisait partie du groupe Sweetness, le pianiste David Fackeure qui joue merveilleusement bien dans “Nathelière” avec Alex Bernard à la contrebasse dans le même titre, Thierry Fanfant et Michel Alibo dans le morceau à trois basses qui est “Neg Mawon”, Jowee Omicil au sax, José Zébina à la batterie, Lenny Ragot à l’orgue dans “Bwa Brilé” et mon compagnon depuis le début de l’aventure (2003) le trompettiste Fred Delbecq…
lBb – On sent aussi dans tes influences, celles de quelques grands bassistes antillais comme Thierry Fanfant (dans Terresainvilles par exemple), ou bien Michel Alibo. Tu les as invités sur “Neg Mawon”, un dialogue à trois basses. Qu’est-ce que cela représente pour toi ?
CS – Thierry Fanfant est un bassiste que j’admire et respecte énormément mais pour être honnête j’ai composé “Terresainvilles” pour un album autour des poèmes d’Aimé Césaire que réalisait Tony Chasseur (Insurrection Perlière) et à l’époque je ne connaissais pas encore le projet de Thierry… C’est mon défunt grand père Georges Nalry qui m’a influencé et surtout j’étais dans une période de compositions de musiques de film ce qui explique un peu la direction de ce titre. Mais je suis honoré que cela puisse faire penser à son travail qui est grandiose. Quant à Michel, sincèrement, quel bassiste de ma génération n’a t’il pas influencé ? Il restera le plus grand pour moi et pour un grand nombre d’entre nous, il a ouvert la place de la basse dans le paysage musical antillais.
Thierry, Michel et moi avons un jeu et un son différent, et depuis pas mal d’années je leur avais proposé que l’on fasse, au moins, un titre ensemble et, enfin nous avons pu avoir le temps de le concrétiser dans notre planning assez chargé. Ce titre représente la possibilité de faire des basses s’exprimer dans un univers caribéen et de bousculer les choses préétablies, d’où “Neg Mawon”… J’ai vraiment hâte de le jouer en concert avec eux. lBb – Chyco, désolé si la question est naïve, mais que signifie “Ozanam”, le titre de l’album ?
CS – Non la question n’est pas triviale (sourire)… Ozanam est le nom d’une cité qui se trouve dans un quartier de Schœlcher en Martinique et c’est là où je vivais quand je suis parti des Terresainvilles à mon adolescence et, d’ailleurs, ma mère y vit toujours…
lBb – Où peut-on trouver l’album aujourd’hui, et envisages-tu une tournée ?
CS – On peut trouver l’album chez tous les disquaires de Navarre et aux Antilles… Ozanam bénéficie d’une bonne distribution. Quant à la tournée elle commence le 18 juin avec la première partie des Malavoi à l’Alhambra à Paris. Bien sur les dates seront communiquées sur mon site, mes pages MySpace et FaceBook. Et il y aura surement des dates aussi avant dans des clubs parisiens mais nous attendons des confirmations.
Ozanam (Chyco Simeon)
Année : 2010
Label / référence : Alcus Records (CM2267)
Personnel : Chyco Simeon (b, synth, perc, prog), Christophe Cravero (vln, org), Valentine Duteil (cello), Stefan Filey (vcls), Fred Delbecq (tp), José Zébina (dms), Michel Alibo (b), Thierry Fanfant (b), François Coréa (g), Alain Villaneau (as), David Fackeure (pno), Alex Bernard (cb), Jowee Omicil (sax), Albane Simeon (cl, vcls), Marcus Simeon (vcls), Lenny Ragot (org)