Courtes chroniques décalées, volume 3

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Trois albums très différents ont été reçus pour clore cette année 2015. C’est ainsi que nous avons eu le plaisir de découvrir Eclipse, le premier album du pianiste Sylvain Ransy – dont l’écoute a été confiée à Dominique Bérose -, un album en trio entre Caraïbe et jazz, très réussi. Alain Jean-Marie nous avait récemment fait part du dernier disque auquel il avait participé, un duo avec le saxophoniste François Ripoche. The Peacocks revisite avec bonheur un répertoire de standards du jazz porté par l’excellence de ses interprètes, et qui ne cède en rien à la facilité. Enfin, en ce mois de décembre, il aurait été impardonnable de passer à côté du dernier album a cappella de Baylavwa, Pou Nwel, dans lequel Jean-Paul Elysée et ses acolytes réharmonisent les cantiques classiques des Chanté Nwel aux Antilles.

Baylavwa – Pou Nwel

Pou Nwel - BaylavwaEn cette pleine saison de Chanté Nwel, quoi de plus indiqué que de chanter Noël, surtout si c’est particulièrement réussi ? L’exercice est d’autant plus périlleux qu’attendu, et l’essai n’est pas toujours transformé. On se souvient de l’excellent album du trio de Mario Canonge en 2003, accompagné d’Alex Bernard et Jean-Philippe Fanfant, et on pourra désormais y ajouter, dans un style bien différent, Pou Nwel, interprété par Baylavwa. Le groupe a cappella, emmené par Jean-Paul Elysée, revisite onze standards parmi les incontournables du genre, de Michaud Veillait à Minuit Chrétien, et en passant par Les Anges De Nos Campagnes ou encore Honoré. En 2010, avec l’album Baylavwa, le groupe reprenait les standards de la musique populaire antillaise, avant de proposer un album plus personnel, Ansanm, paru en 2013. Aujourd’hui, les qualités d’harmonisation de Jean-Paul Elysée, combinées aux talents de chanteurs de Thierry Fred-François, Hubert Colau, Léo Rafael et Olivier Thétis font merveille pour recréer l’esprit de cet avent musical, traditionnel des Antilles. Ecoutez par exemple la version ti-bwa d’Allez Mon Voisin ! La culture jazz de Baylavwa rejaillit à travers un swing léger, des arrangements vocaux fleurant doucement l’esprit qu’ont tracé des formations comme les Double Six ou le Manhattan Transfer. L’ensemble peut assez vite provoquer une envie certaine de chanter à son tour, ce qui est peut-être tout simplement l’objectif non avoué de cet album, destiné à accompagner les veillées de Noël. Pou Nwel sera probablement et pour longtemps une référence pour l’interprétation de ces cantiques d’amour dont le monde a bien besoin par ces temps troublés. En prime, Jean-Paul Elysée nous gratifie d’un titre original – pas par son nom, Noël, où l’on retrouve à coup sûr la patte de l’artiste ; une raison de plus pour se procurer l’album ! Pou Nwel est pour l’instant disponible essentiellement en ligne, sur les grandes plateformes habituelles de téléchargement et de streaming.

Musiciens : Jean-Paul Elysée, Thierry Fred-François, Hubert Colau, Léo Rafael et Olivier Thétis

Titres : Michaud Veillait, Joseph mon cher Fidèle, Dans le Calme de la Nuit, Minuit Chrétien, Oh la Bonne Nouvelle, Noël, Douce Nuit, Honoré, Les Anges de nos Campagnes, Un Enfant Vient de Naître, Il Est Né le Divin Enfant, Allez Mon Voisin.

Plus loin :

François Ripoche et Alain Jean-Marie – the Peacocks

The Peacocks - François Ripoche et Alain Jean-MarieL’immense Alain Jean-Marie prête encore une fois son talent à la formule du duo qu’il affectionne, et qu’il a pratiqué dans de nombreux contextes variés : aux pianos avec Michel Graillier ou Mario Canonge, avec des guitaristes comme André Condouant ou tout récemment Paul Abirached, avec la contrebasse de NHOP ou la voix d’Habiba. C’est avec le saxophoniste François Ripoche qu’il travaille cette fois l’exercice. Ce dernier, certes moins connu, peut se prévaloir déjà d’une carrière musicale riche et diversifiée, et pas seulement dans le jazz. Ses rencontres avec le pianiste datent déjà de plusieurs années, et le duo est venu s’imposer presque naturellement après qu’ils aient souvent croisé le fer au sein de formations communes impliquant des musiciens comme Steve Potts ou John Betsch. C’est François Ripoche qui a choisi le programme de l’album, une sélection de standards qui sait préserver la surprise de quelques perles mélodiques moins souvent entendues. Le format du duo installe d’emblée une intimité, et permet également aux deux musiciens de s’exprimer pleinement. Les espaces sont grands, dont l’amplitude du ténor joue avec bonheur. Alain Jean-Marie tisse un ensemble d’harmonies et d’arrangements dont il a seul le secret, entre une légèreté infinie, un swing maitrisé et un sens de la mélodie exceptionnel. Le dialogue s’instaure immédiatement avec le saxophone de François Ripoche qui se délecte visiblement des ouvertures offertes par le pianiste. On célèbre ici le bop, et les influences de Stan Getz ou encore Joe Henderson affleurent, mais pourquoi faudrait-il le bouder ? The Peacocks offre un voyage calme, apaisant et toujours juste, au cours duquel on se surprend à fredonner ces airs parfois connus, mais ici renouvelés – à l’instar d’un Take the « A » Train où la mélodie prime sur le groove, ou moins joués, comme Bright Mississippi ou Trane’s Slow Blues.

Musiciens : François Ripoche (ts), Alain Jean-Marie (pno)

Titres : Manha de Carnaval, Take the « A »Train, You and the Night and the Music, Voyage, Body and Soul, Bright Mississippi, Central Park West, Trane’s Slow Blues, Infant Eyes, Joy Spring, The Peacocks

Plus loin :

Sylvain Ransy – Eclipse

Le pianiste guadeloupéen Sylvain Ransy publie son premier album, Eclipse, enregistré en 2012 au Canada. Très tôt influencé par des pianistes comme Alain Jean-Marie ou Keith Jarrett, il s’est en effet installé plusieurs années à Montréal pour y parfaire sa formation musicale. Réinstallé en France depuis trois ans, il trouve enfin le temps de publier cet album qui brosse le portrait de ses influences variées, du blues au bop, avec toujours un zeste de Caraïbe. J’ai proposé à Dominique Bérose d’écouter cet album pour le Bananier bleu et de nous faire part de ses sentiments.

Eclipse - Sylvain RansySans jamais céder à la tentation de la démonstration ennuyeuse, Sylvain Ransy développe avec Eclipse son sens de l’harmonie et du rythme, sa technique parfaitement maitrisée, où l’on sent l’influence de l’excellente école de Montréal. A ce titre, c’est probablement le morceau L’œil du Cyclone qui illustre le mieux cette polyvalence, alternant bourrasques et accalmies, exercices et voicings choisis. On retrouve ces qualités harmoniques et mélodiques avec le boléro Sorrow in Paris ou bien encore Sweet Memories, valse jazz qui emprunte tout autant à Bill Evans, Michel Petrucciani ou Mario Canonge. Si la Caraïbe est bien présente (Eclipse, Bleu Profond…), Sylvain lance aussi quelques clins d’œil réussis à l’ancienne école du blues, avec Oliver’s Blues ou A Change is Coming. L’album se referme sur le très mélodique Ida, au piano solo. Avec Sylvain Ransy, on découvre de nouveau un pianiste antillais, doté de bases solides et ayant évolué dans l’univers du jazz depuis plusieurs années en une ascension et une détermination créatrice… Il n’a pas hésité à s’expatrier pour approfondir et développer ces connaissances et cela paye. On sent logiquement une nostalgie accrue du pays qui lui tient à cœur, et qui se traduit sous forme d’un bel alliage entre modernité et tradition. Eclipse dépeint un beau parcours riche en influences, et Sylvain y montre son amour pour les belles phrases, cherchant ses notes loin au bout du clavier, un peu à la manière de Marius Cultier dans Nathalie.

Dominique Bérose – décembre 2015

Musiciens : Sylvain Ransy (pno), Olivier Babaz (cb), Mark Nelson (dms)

Titres : Eclipse, l’œil du Cyclone, Oliver’s Blues, Sorrow in Paris, Sweet Memories, Sursaut, Moseka, Bleu Profond, Change is Coming, Ida

Plus loin :

 

 

 

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