Franck Nicolas – trompette et bugle
Biographie
La tradition musicale est omniprésente dans la famille de Franck Nicolas. Son père, Joseph Cafafa, débute à l’âge de 14 ans comme batteur dans les orchestres de bal de Basse-Terre. C’est lui qui décide de commencer à faire apprendre la trompette à son fils à l’âge de sept ans. Et grand bien lui en prend puisque le jeune prodige obtient très rapidement des premières mentions de solfège et de trompette avec félicitations du jury au conservatoire de Bourges.
Grâce à son professeur, Germain Couvin, Franck interprète les concertos de Haydn, Humel ou Vivaldi, alors qu’il n’a que 10 ans. Après son treizième anniversaire, le jeune trompettiste est sollicité par Edouard Décimus qui veut l’engager dans Kassav. Mais le père de Franck refuse cette proposition en raison du jeune âge de son fils. A 16 ans, il jouera pour la première fois sur la scène du chantier musical international de Basse Terre au côté de Roland Louis.
Après le baccalauréat, Franck prend la décision de se lancer dans une carrière musicale professionnelle. Pour cela, il quitte la Guadeloupe pour le Sud de la France. A 18 ans il fonde son premier groupe, Maggnetick, sous le pseudonyme de Franck Nicolas, avec Gérard Poumaroux (actuel bassiste de Mory Kanté) et Sega Seck (aujourd’hui batteur de Touré Kunda). Par ailleurs, Franck poursuit ses études de musique. Après une licence en musicologie, il apprend “l’art de l’improvisation” dans les jazz clubs aux côtés de Sigfried Kessler, Didier Lockwood, ou encore des frères Petrucciani avec lesquels il partira même en tournée en Angleterre et en Belgique.
Franck débute véritablement sa carrière de musicien professionnel à l’âge de 20 ans. Il est invité en tant que soliste auprès de l’orchestre philharmonique de Montpellier avec lequel il enregistrera le concerto de Rolf Liebermann. Parallèlement, il enchaîne les tournées avec son groupe Maggnetick à travers l’Europe, l’Afrique…
Avant d’enregistrer son premier disque – Spirit or Miles, 1997 -, Franck a déjà participé à l’enregistrement d’une cinquantaine d’albums de variété ou de jazz. Dés 1994, Maggnettick connaît un grand succès auprès du public guadeloupéen “branché” et accompagne, soit en concerts ou lors de jam sessions explosives, des artistes tels que Joey Star, (N.T.M.), Jean-Michel Rotin, Tanya St. Val, Akiyo, Patrick St Eloi, Dominique Coco, Dominique Panol…
En 1998, la rencontre avec Kafé (Edouard Ignol) est décisive. C’est à ce moment que Franck décide de s’orienter vers la voie du Gwo Ka guadeloupéen. En 1999, Jacques Schwarz-Bart lui ouvre les portes de New York, et ils enregistrent l’album “Accoustick Voyage”, à partir de neuf compositions originales du trompettiste, imprégnées par le Ka.
En 2000, Franck s’engage aux cotés de Kafé puis de Van Lévé. Il mène le même combat qu’eux : la reconnaissance du Ka guadeloupéen dans le monde (Festival de Pointe à Pitre avec Kafé en 2001, Festival de Montréal avec Van Lévé en 2002).
De retour à New York, il enregistre, cette fois-ci en trio, 13 arrangements sur la chanson française où il met en exergue ses qualités d’arrangeur. Pour cet album “Kiss In Paris”, Franck fera appel au talent du bassiste Lonnie Plaxico (bassiste d¹Art Blakey, Dizzy Gillespie, Cassandra Wilson, Chet Baker, Wynton Marsalis…).
Cependant, la Guadeloupe n’est jamais loin de ses préoccupations. Il revient y jouer régulièrement, avec nombre de musiciens qui ont compté et comptent encore pour lui, parmi lesquels Christian Amour, Philippe d’Huy, Raymond d’Huy, Jocelyn Ménard ou encore Raymond Grégo. En décembre 2001, il participe ainsi au Festival de Pointe-à-Pitre avec la formation Mounajaz du pianiste Christian Amour.
En mars 2002, le pianiste Alain Jean-Marie invite le jeune trompettiste après avoir écouté des extraits de ses albums “Accoustick Voyage” & “Kiss In Paris”, pour une série de concerts à Paris avec “Biguine Reflexion”, la formation du pianiste. Ce sera l’occasion de cinq concerts mémorables.
En mai, lors du festival de Marie-Galante, et alors que Franck accompagne Kafé, Mario Canonge qui s’y produit également, saute sur l’occasion et l’invite à jouer avec lui. En juillet, Franck retourne au Festival de Montréal avec Van Lévé. Puis, en août Franck joue à Marciac où il est acclamé par le public et la presse locale.
En septembre 2002, c’est la révélation pour Franck Nicolas. Il trouve définitivement sa voie en créant son propre concept musical qui se démarque du Gwo Ka moderne de Kafé ou encore de Gérard Lockel. En effet, l¹innovation réside dans la symbiose entre le Ka et le langage harmonique du jazz, dans toute sa richesse. Plus qu’une conception modale ou atonale largement utilisée depuis les années 70 et dont les créateurs du Gwo Ka moderne ont étés les portes drapeaux, le jazz ka de Franck Nicolas s’articule entièrement autour des structures harmoniques des standards de jazz et des accents rythmiques du tambour traditionnel guadeloupéen. Cette évolution trouve son écho dans un album gravé à New-York, “Jazz Ka Philosophy”, sur lequel le trompettiste réussit à réunir une équipe de musiciens guadeloupéens d’envergure internationale : Alain Jean-Marie au piano, Magic Malik à la flûte, Jacques Schwarz-Bart au saxophone, Sonny Troupé au marker-ka et Joby Julienne au boula-ka, accompagnés du martiniquais Louis Allèbe Montjoly de Montaigne aux percussions, ainsi que du prestigieux Lonnie Plaxico à la contrebasse. L’album est constitué de sept compositions originales de Franck, basées sur les sept rythmes du Gwo Ka, et où il rend hommage à celles et ceux qui ont lutté pour l’abolition de l’esclavage.
Fin 2003, Franck est sur la grande scène du Festival Jazz à Pointe-à-Pitre pour y présenter Jazz-Ka Philosophy en compagnie d’Alain Jean-Marie, Jacques Schwarz-Bart, Luis Allèbe Montjoly de Montaigne, Joby Julienne et Sonny Troupé. Pour l’occasion, Eric Vinceno est à la basse, et la troupe s’adjoint la présence prestigieuse d’André Condouant à la guitare. En janvier 2004, le spectacle est présenté à l’Opéra de Montpellier.
Depuis 2004, Franck développe son nouveau concept “Manioc Poésie” qu’il définit lui-même de la façon suivante : Le concept “Manioc Poésie” est empreint à la fois de tradition et de modernité. Le Manioc étant une racine, il est symbolisé par le son du “Ka”, et la Poésie, par les lignes mélodiques originales et avant gardistes de Franck. “Manioc Poésie” est une musique de l’extrême où la création musicale spontanée est reine. les rythmes exhortent les mélodies pures et lyriques, à atteindre le paroxysme musical dans un fracas de notes et d’émotions toujours en quête d’absolu. Les harmonies modernes, d’influence coltranienne, ajoutent à cette musique atypique et originale, une tonalité résolument futuriste aux accents parfois ethniques. Ainsi, “Manioc Poésie” transporte l’auditeur vers de nouveaux horizons où se côtoient audace, énergie, émotion, originalité et spontanéité. En outre, dans ce concept musical, la “créolité” est mise à l’honneur grâce à l’apport et à la richesse des différences culturelles qui y fusionnent en totale communion. Le chant intimiste de Franck donne une couleur nouvelle à la musique des tambours traditionnels Antillais. La sulfureuse voix du désert de Keyko Nimsay, très osée, et enrichie d’accents ethniques, se fond dans la trompette de Franck pour créer un son mélodique nouveau aux multiples couleurs. Les Tablas, le Balafon et la Kalimba de Louis Allèbe Montjoly de Montaigne viennent se mélanger au son du “ka”, pour apporter à “Manioc Poésie” son caractère “roots” et authentique. La guitare acoustique de Jean-Christophe Maillard “chante” la nostalgie des Antilles et accompagne avec finesse et élégance les “mélodies chaloupées” envoûtantes à souhait. La contre basse de Frédéric Léger emméne le swing antillais à son zénith, tandis que le son de la conque à Lamby nous replonge aux premières heures de l’humanité, on y entend sans effort le chant des baleines.
A partir de 2005, les choses s’accélèrent. Tout d’abord, c’est cette année que sort finalement “Papillon Ka : Jazz Ka Philosophy 2”. Franck monte “Label Ka” avec l’aide de Martin Hoffman. Ceci lui permettra dans la foulée, d’éditer “Maman Gwada”, sur le concept de Manioc Poésie, puis enfin, en 2006, de publier le premier volume de Jazz Ka Philosophy, l’album 1848, enregistré à New York avec Alain Jean-Marie et Jacques Schwarz-Bart. Franck continue à explorer les variations autour du ka et monte une fanfare-ka qui tourne en Europe. En 2008, il compose pour Keyko Nimsay, l’essentiel des morceaux qui paraissent sur le premier album de la chanteuse, “Keyko’s dream”.
Les nouvelles idées de Franck autour du Jazz-Ka foisonnent… Il monte une fanfare-ka qui se produit régulièrement dans les défilés des festivals du Sud de la France. Il revient en studio en 2011, et ramène avec lui Alain Jean-Marie, qui vient de reprendre deux de ses titres sur son album Gwadarama. Mais là, retour à la série des Jazz-Ka Philosophy, cette fois entièrement à la conque, pour l’aquatique “Kokiyaj”. Il y pousse même Alain Jean-Marie à s’asseoir derrière un Rhodes, et grand bien lui en prend. Dans la foulée, Franck fait appel à Michel Alibo et Sonny Troupé pour Trio Zalizé, album basé uniquement sur le triangle trompette basse percussions et qui parait en 2012. Tout récemment, Franck monte un autre trio, cette fois-ci avec Grégory Privat et Arnaud Dolmen, pour repousser dans des retranchements encore plus distordus son concept du Jazz-Ka. C’est l’album “Psychédélick Trio”, qui sort tout début 2013.
Puis, ce qui devait arriver… arriva ! La contagion au bèlè de Martinique était inévitable. Franck s’est donc mis à étudier avec passion les codes de ces rythmes à la fois proches – par l’histoire – et différents – par la traduction musicale qui en fût faite. Franck est également allé chercher les talents de Martinique pour accompagner son aventure, et s’il s’est appuyé sur quelques références connues – Mario Canonge, Michel Alibo, Grégory Privat – il a aussi fait appel à deux formidable rythmiciens de la nouvelle génération, Philippe Gouyer-Montout et Laurent Emmanuel Bertholo. Rajoutez à cela la flûte de Magic Malik, et vous obtenez “Jazz Bèlè Philosophy 8” qui sort fin 2013. L’album est accueilli avec enthousiasme en Martinique, et Franck en interprète le répertoire lors de nombreux concerts, aux Antilles et en métropole.
En 2015, Franck Nicolas met la dernière main à sa synthèse des gammes du gwoka et enregistre le volume 9 de Jazz Ka Philosophy. Pour l’occasion, Franck réunit un trio inédit avec Sonny Troupé – à la batterie et aux percussions – et l’excellent, mais inattendu, Nelson Véras à la guitare. Le brésilien s’imprègne immédiatement de l’univers du jazz ka et bientôt le pari de Franck s’avère réussi. Trio Soleil sort en fin d’année et se compose d’un part de douze morceaux intitulés comme autant de gammes du gwoka – dont une dédiée à Gérard Lockel et une autre à Kafé, puis des mêmes gammes sous une forme courte et pédagogique destinée à l’exercice des musiciens. Sur scène, on retrouve par exemple Franck, invité par Sonny Troupé lors du festival de jazz de Radio France et Montpellier. Au delà des festivals, Franck joue régulièrement à Paris, au Sunset et au Baiser Salé.
Franck profite de l’édition caribéenne de Jazz à Junas à l’été 2016 pour proposer son nouveau projet, retravailler avec l’inspiration du jazz ka, les standards de Michael Jackson – l’une de ses grandes autres influences. Pour le spectacle, Franck invite la danseuse Catherine Dénécy à s’exprimer sur la musique, et joue avec Grégory Privat, Sonny Troupé et Manu Codjia. En fin d’été, Franck Nicolas est à la Petite Halle de la Villette pour l’after du festival.
Autres informations
- Le site officiel de Franck Nicolas : http://www.francknicolas.com/
- Jazz Ka Philosophy sur Facebook : https://www.facebook.com/jazzkaphilosophy