Définition de la fusion par Eric Bonheur : Cap Sud

Par temps gris et maussade, je recommande vivement de mettre entre vos deux oreilles l’album Cap Sud d’Eric Bonheur. L’effet est prouvé, la pêche revient dans les cinq minutes. À bientôt 50 ans, le guitariste guyanais présente son troisième album après deux volumes parus respectivement en 1996 (Après la pause) et 2003 (Eklektik Project). Baigné depuis l’enfance dans le jazz et les musiques créoles, ouvert sur le monde, formé à l’American School of Modern Music de Paris, il nous raconte ici tout cela en un voyage passionnant. Rencontre.

« J’adore le Jazz Rock, il me maintient en éveil. […] cette expression binaire de la musique parfois violente, agressive, tribale, mais toujours si actuelle au regard du monde. » Profession de foi largement confirmée dans Cap Sud.  Le Jazz Rock en est effectivement l’un des deux fils directeurs. L’autre, c’est le monde. Le monde entier. Illustré richement dans le bien nommé « Métis » qui représente « un voyage culturel, anthropologique. […] L’Inde, l’Afrique, qu’elle soit du nord, de l’ouest ou du sud, l’Espagne Arabisante, les Amériques, l’Europe, les Caraïbes, tout cela vit en moi et j’en suis tellement conscient… Quelques airs de musique celtique et finalement, je me sens Breton autant qu’africain ou hindou, gitan… C’est ainsi que je perçois la planète ! ».

Avec le titre « Cap Sud » on refait le voyage des esclaves, de l’Afrique aux Caraïbes, l’un des points de départ du métissage. « Après un début ponctué par du 6/8, ce rythme ternaire qui nous vient d’Afrique et autour des chœurs africains, on se transforme peu à peu en un mélange de Bêlé et de Kaladja. Je dois dire qu’il y a là une très forte inspiration du film Amistad, qui m’avait beaucoup touché. ». L’Afrique reste très présente dans « Steppe » qui n’est pas sans rappeler l’album « Dounia » de Mokhtar Samba. Les influences du jazz rock de Sixun, Metheny ou Weather Report ressortent également dans les très groovant « Traffic » (avec Michel Alibo d’ailleurs) et « Club ».

Avec « Andy » (Narell, évidemment), retour créole, entre Caraïbe et Latin Jazz. On touche même au son du big band avec « Kafé de la Gare », d’inspiration proche d’Ultramarine, et en hommage aux clubs de Cayenne, trop souvent obligés de fermer pour raisons financières (et il n’y a pas que là, malheureusement). On est aussi frappé par la diversité du jeu d’Eric Bonheur, alternant sons saturés, électriques et guitare jazz, comme dans « Aimant si passion » (jeu de mot !), certainement inspiré par Benson, mais pas loin non plus de ce que nous proposait il y a quelques années un autre guitariste guyanais, Patrick Marie-Magedelaine et son album Caribbean Cool Jazz. Au total, les invités sont nombreux sur Cap Sud, de Kali à Chris Combette ou Thierry Vaton… et après un détour par Cuba, l’album s’achève en une mazurka jazz rythmée de mains de maître par Dominique Bougrainville, « Tou lé jou », qui donne à Eric Bonheur l’occasion d’écrire ses premiers mots de compositeur !

Niché au creux d’une petite boucle « Impaire », Cap Sud est assurément une pierre blanche importante de la musique créole, loin des stéréotypes commerciaux douteux que ces deux mots accolés véhiculent trop souvent. Cap Sud me raconte mon histoire musicale de ces trente dernières années avec une joie de vivre communicative, sans prise de tête inutile, et surtout terriblement bien jouée.


Cap Sud (Eric Bonheur)


Cap Sud - Eric Bonheur, 2011 Année : 2011
Label / référence : (EB032010-2)
Personnel : Kali, Thierry Vaton, Denis Lapassion, Emile Romain, Michel Alibo, José Marie-Rose, Dominique Bougrainville, Andy Narell, Victor Sabas, Chris Combette, Micky Télèphe…


Titres : 1- Impaire - 0:58 / 2- Métis - 7:22 / 3- Cap Sud - 9:24 / 4- Steppe - 6:24 / 5- Traffic - 7:20 / 6- Club - 4:25 / 7- Andy - 6:56 / 8- Café De La Gare - 4:49 / 9- Aimant Si Passion - 5:08 / 10- Toto à La Havane - 6:03 / 11- Tou Lé Jou - 5:26 / 12- Impaire - 0:58

Revue expresse Instagram : Il y a dix ans, le guitariste Eric Bonheur publiait son troisième album, Cap Sud, avec une pléiade d’amis musiciens talentueux. Le guitariste guyanais d'adoption proposait un jazz créole riche et foisonnant, avec des parfums de fusion, de jazz rock, de mazurka, de salsa… Parmi les nombreux invités, Victor Sabas – dont nous venons de présenter l’album A Pou Zot ici même, Dominique Bougrainville – dont la bio fraichement publiée est à lire sur le Bananier bleu, et en vrac, Andy Narell, Kali, Thierry Vaton, Denis Lapassion, Emile Romain, Michel Alibo ou encore Micky Télèphe.

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